Tribune

Célébrer la nature, miroir de l’espérance de vie de l’humanité

La nature en villedossier
Les villes ont un rôle essentiel à jouer pour démontrer l’impact positif de la réintroduction de la nature.
par Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’UICN
publié le 12 mai 2022 à 17h37
Conférences et débats, rencontres avec des biologistes, écologues, architectes, philosophes ou sociologues… Du 20 au 22 mai à Rouen, la fédération BioGée et la ville de Rouen organisent les journées «Naturellement !» avec un but cette première année : expliquer et comprendre l’importance de la nature en ville.

L’être humain a depuis de nombreux siècles pris le contrôle de la planète Terre, sans toutefois comprendre que la nature reste le miroir de l’espérance de vie de sa propre existence. Les rapports du Giec se suivent et se ressemblent. Le dernier en date, publié le 4 avril, continue de nous alerter sur le point de non-retour que l’humanité s’apprête à franchir. Le combat pour le climat apparaît comme le combat du siècle, or celui-ci est étroitement lié à la nature. Climat, biodiversité, sociétés humaines, santé, toutes ces notions sont interdépendantes, et l’on ne réglera pas la crise climatique sans protéger notre espace de vie, la nature.

La pandémie de Covid-19 est révélatrice des conséquences du bouleversement de la biodiversité sur notre propre santé. Chacun de nos gestes les plus simples peut avoir des conséquences extrêmement dommageables sur l’humanité. Dans les villes, la prise de conscience environnementale s’est mutée en un combat du quotidien, qui s’observe depuis les plus petits gestes, en passant par l’éducation des enfants, jusqu’à l’élaboration de nos documents d’urbanisme. Plus que jamais, célébrons la nature pour ce qu’elle nous apporte, mais surtout pour tout ce qu’elle incarne : porter atteinte à son écosystème fragile, c’est porter atteinte à la qualité de vie et à la santé de l’homme. La réintroduction de la nature dans nos espaces urbains est une priorité.

Ville et biodiversité compatibles

L’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire, publié en 2005, a mis en lumière des conséquences de la modification des écosystèmes sur le bien-être humain et insistait sur la valeur intrinsèque de la nature qui nous entoure. Les services écosystémiques de la nature sont multiples et transverses. De nombreuses recherches démontrent ainsi que les parcs urbains peuvent améliorer la qualité de l’environnement (pollution de l’air, régulation de la chaleur, réduction du bruit), promouvoir l’activité physique, favoriser les interactions et la cohésion sociale, contribuer à une meilleure perception de la sécurité, et offrir des possibilités de bien-être spirituel. Ville et biodiversité sont plus que jamais compatibles, et doivent se concevoir simultanément.

L’IPBES (la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) a développé un nouveau cadre conceptuel qui propose une approche innovante et intégrale des services écosystémiques : «la Nature pour la Nature», «la Nature pour la Culture», et «la Nature pour la Société».

C’est au niveau de la ville que doit s’entendre l’application des solutions fondées sur la nature, actions définies depuis 2016 par l’Union internationale pour la conservation de la nature et qui «s’appuient sur les écosystèmes pour relever les défis que posent les changements globaux à nos sociétés comme la lutte contre les changements climatiques, la gestion des risques naturels, la santé, l’approvisionnement en eau ou encore la sécurité alimentaire».

Interdisciplinarité des solutions

Le Giec le répète à chaque publication de ses rapports : 70% des mesures d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques ont vocation à être «mises en œuvre à l’échelon infranational». Les villes françaises sont responsables de 67% des émissions de gaz à effet de serre nationales, selon un rapport de 2018 de WWF. Alors si la nature peut nous permettre d’atténuer ces effets inquiétants pour l’avenir de l’humanité, l’efficacité, l’innovation, l’accès direct aux connaissances du terrain et aux ressources nécessaires (matérielles, techniques, et humaines) font des villes l’échelon privilégié pour la réintroduction de la nature. Les citoyens étant les acteurs principaux pour une transition juste, solidaire, et inclusive, la proximité avec les institutions municipales valide encore une fois cette nécessité de développer «la Nature en Ville», concept lourdement utilisé par la classe politique, mais qui a en réalité une importance telle qu’il ne faudrait pas banaliser son sens.

Pour verdir le bâti, par exemple, il est impératif de faire des habitants les acteurs principaux de la transformation de leur lieu de vie. En tant que bénéficiaires, eux seuls sont à même de comprendre les bénéfices que leur apporteront tel ou tel projet grâce aux jardins nourriciers et participatifs, aux programmes de suggestion de plantation d’arbres, aux activités d’éducation à l’environnement en partenariat avec des associations locales et des écoles… Tant d’initiatives qui démontrent l’interdisciplinarité des solutions fondées sur la nature.

Les solutions fondées sur la nature manquent pourtant d’investissements à l’échelle globale. D’ici 2030, les investissements dans la nature doivent tripler pour contribuer efficacement à la lutte contre l’effondrement de la biodiversité, selon l’ONU.

Nous devons multiplier ces efforts. Les villes, en tant qu’ambassadrices des solutions fondées sur la nature, ont un rôle essentiel à jouer pour continuer de démontrer l’impact positif que peut avoir une approche intégrée de la réintroduction de la nature dans le but de relever les défis interconnectés de nos sociétés, dont les villes sont les principaux miroirs.

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