Pour surmonter sa crise, le sport doit intégrer les grands enjeux de société

Une étude pilotée par l'Agence nationale du sport et l'Association nationale des élus en charge du sport dresse un constat sombre de la situation du sport en France. Elle explique en quoi les politiques sportives doivent tenir compte de trois enjeux majeurs – fracture sociale, santé publique et environnement –, faire en sorte que le sport "s'impose comme élément incontournable dans le quotidien de la population" et promouvoir "un aménagement résilient" en matière d'équipements.

Le sport ne se porte pas très bien en France mais il pourra s'en sortir en s'appropriant les grands enjeux de société. C'est, à grands traits, ce qui ressort d'une "étude nationale sur les attentes et besoins des acteurs du sport", publiée le 9 mai sous le pilotage de l'Agence nationale du sport (ANS) et l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), et rédigée par le CDES (Centre d'études de droit et d'économie du sport).

Ce mal-être du sport français et de ses multiples acteurs se traduit par différentes "tendances lourdes" dont la crise sanitaire a été un "accélérateur". Il y a d'abord les inquiétudes financières qui mettent en cause la pérennité d’une partie des associations et entreprises du secteur, sur fond de recul du nombre de licenciés en club. Inquiétudes d'autant plus fortes que "le changement dans le système d'attribution des subventions [passé d'une logique de fonctionnement à une logique de projet] génère également de l'incertitude et des contraintes administratives nouvelles". Dans les clubs, la question du socle de bénévoles, qui "peine à se renouveler" en particulier chez les jeunes générations, se pose également.

Équipements sous tension

Du côté des collectivités territoriales, l'étude estime que "la pression financière provient essentiellement des coûts liés à la construction, la rénovation et la gestion des équipements sportifs". Et pointe le risque que les collectivités ne puissent plus assurer des financements que le changement climatique devrait au contraire pousser. En effet, "le parc actuel d’équipements est globalement vieillissant et peu conforme aux nouvelles normes thermiques". Or la mise aux normes environnementales des équipements sportifs ne vise pas simplement "la réduction de l’impact du sport sur l’environnement", mais également "la continuité de la pratique (dans le temps et l'espace)".

Les enjeux environnementaux mettent encore sous tension les sites de pratique de sports de nature. "Le dérèglement climatique risque de limiter la pratique, dans la mesure où certains sites se dégradent et que des restrictions d’accès à certains lieux vont être imposées pour éviter leur surfréquentation et leur dégradation", avance l'étude.

Une gouvernance pas assez proche des territoires

La nouvelle gouvernance du sport, mise en place depuis 2019 à travers l'ANS et ses déclinaisons territoriales, les conférences régionales du sport, ne fait pas non plus l'unanimité. Les acteurs du collège économique disent y "chercher leur place". De leur côté, les collectivités territoriales mettent en doute son efficacité, soulignent "le manque d’ambition de l’État d’un point de vue financier" et relèvent des inégalités et des dysfonctionnements dans les territoires. Surtout, nous dit l'étude, "plusieurs d’entre elles soulèvent que l’enjeu de proximité n’est pas atteint avec ces nouvelles instances régionales, l’échelon régional n’étant pas suffisamment proche du local pour être efficace".

Ce sombre tableau n'est certes pas nouveau. Le mérite de cette longue étude (129 pages) est avant tout d'avoir sollicité l'ensemble des parties prenantes du sport français pour établir ce diagnostic commun. C'est sur ces bases pour le moins préoccupantes que ces mêmes parties prenantes se sont demandé ce que sera le sport à l'horizon 2035. Et ont imaginé un scénario d'évolution dans lequel "la cohésion sociale se maintient grâce à une nouvelle gouvernance harmonisant les rapports entre institutions publiques, société civile [sic] et secteur privé".

Du sport au quotidien

Après avoir identifié trois risques sociaux majeurs – l’approfondissement de la fracture sociale, la dégradation de la santé publique et l’accélération de la détérioration de l’environnement –  qu'ils considèrent comme des priorités à résoudre, les auteurs de l'étude pensent que les politiques sportives, comme toutes les politiques publiques, devront s'y adapter.

Parmi les principales pistes évoquées, on retiendra tout d'abord que le sport doit "s'imposer comme élément incontournable dans le quotidien de la population", et que pour ce faire, "il faut envisager une pratique adaptée tout au long de la vie" en portant les efforts sur l'éducation physique et sportive, de l'école maternelle à l'université, mais aussi sur le développement du sport en milieu professionnel et une offre tout au long de la vie.

Mieux accompagner les collectivités

En matière de gouvernance, la transversalité entre les acteurs est plébiscitée. Une gouvernance qui doit par ailleurs s'articuler autour de trois thématiques prioritaires : l'environnement, la santé et l'éducation, pour lesquelles les complémentarités entre le mouvement sportif et les loisirs marchands doivent être optimisées.

Le volet "anticipation" préconise pour sa part la réalisation de schémas locaux de pratique et d'équipements sportifs qui anticiperaient le sport dans les dix à quinze prochaines années. Ces schémas comprendraient notamment "un ambitieux plan de construction et de rénovation des équipements […] incontournable afin de répondre aux nouveaux besoins de pratique et aux enjeux [de société]". Cette planification viserait bien entendu "un aménagement résilient" où chaque territoire déterminerait "son degré de vulnérabilité (exposition au risque, degré de sensibilité, conséquences et impacts)" avant d'adopter "une stratégie d’adaptation concertée". "Cela sera important pour les infrastructures sportives afin d’éviter les choix d’investissements non pertinents à moyen terme", affirme l'étude, laquelle conclut qu'en matière d'équipements, "les collectivités ont besoin d’être mieux accompagnées dans l’identification, l’utilisation et la planification des équipements".