Santé-environnement : le Cese veut donner le "pouvoir d’action" aux collectivités

Dans un avis adopté le 24 mai, le Conseil économique, social et environnemental plaide pour le renforcement de la place et du pouvoir des collectivités territoriales dans le domaine de la santé-environnement, jugeant que "c’est d’abord à l’échelle des territoires et des bassins de vie que tout se joue".

"La crise du covid a montré la réactivité des collectivités territoriales et des acteurs locaux de la santé pour contribuer (…) à mettre en place les réponses à l’urgence sanitaire. Beaucoup de responsables, dont le Cese, ont alors plaidé pour un pilotage plus local mais aussi plus démocratique de la santé en rappelant le rôle central que les collectivités territoriales ont à jouer dans l’expression des besoins mais aussi dans l’organisation de la réponse. Le constat est tout aussi valable en santé-environnement : les compétences des collectivités territoriales sont autant de leviers incontournables pour une politique de santé-environnement renforcée et transversale, socio-écosystémique pour agir en s’adaptant aux spécificités locales".

Cette nouvelle ode à l’action des collectivités est tirée de l’avis promouvant "une politique publique nationale de santé-environnement au cœur des territoires", que le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté ce 24 mai, par 117 voix pour, 30 contre et 7 abstentions.

Santé-environnement, ou la "prévention sanitaire par la prévention de l’environnement"

Le concept de "santé-environnement" y est préféré à la notion d’"une seule santé", retenue dans les Objectifs de développement durable (ODD), ou à celle de "santé environnementale", en cour au Sénat (v. notre article du 31 mars 2021), parce que "l’accolement des deux termes traduit l’idée force de cet avis : la prévention sanitaire par la prévention de l’environnement". "Longtemps, l’environnement était considéré comme un élément subi : il fallait le protéger mais surtout s’en protéger, grâce à l’hygiène et aux politiques de santé focalisées sur la maladie et les soins", expliquent Isabelle Doresse et Agnès Popelin-Desplanches, auteures de l’avis. Mais désormais s’impose "une vision holistique de la santé humaine : la prévention et la protection des risques sont intrinsèquement liées au respect de la biodiversité et de la préservation du vivant". Ce qui nécessite, ajoutent-elles, "une approche globale, sanitaire, environnementale, mais aussi économique et sociale", puisqu’en matière de santé, "les déterminants sociaux, territoriaux et environnementaux interagissent, se cumulent et leur poids ne diminue pas". En outre, puisque "c’est d’abord à l’échelle des territoires et des bassins de vie que tout se joue", les auteures en déduisent que "les collectivités territoriales doivent être au cœur du dispositif". L’avis dresse en conséquence plusieurs recommandations pour renforcer le "pouvoir d’action" de ces dernières.

Renforcer une formation pluridisciplinaire et locale

Au préalable, face à l’insuffisance, mais aussi au "cloisonnement", des formations dans le domaine, les auteurs préconisent de renforcer, "dans une approche pluridisciplinaire", la formation des élus et celle, tant initiale que continue, des agents des trois fonctions publiques (via des partenariats associant notamment CNFEL, CNFPT, ARS…), ainsi que celle "des autres corps de métiers concernés par les interactions santé-environnement" (parmi lesquels urbanistes, paysagistes, architectes, professionnels de la petite enfance, etc.). Une offre de formation qui devra en toute logique être organisée territorialement, afin de "prendre en compte les réalités et les priorités locales".

De manière plus large, le renforcement de l’éducation, de la formation et de la sensibilisation à la santé-environnement constitue l’une des recommandations fortes du rapport. Il repose là encore en partie sur les collectivités, en visant "la mise en place de plateformes d’informations sur les données environnementales, les données de santé, leurs interactions, mais aussi sur les initiatives portées par les communes ou les EPCI, les départements, les régions".

Donner le pouvoir aux collectivités

Sur le fond, les rapporteurs plaident pour "une gouvernance nationale consolidée" de cette politique et, en même temps, pour une "organisation plus ascendante". D’un côté, ils demandent aux collectivités "d’intégrer plus fortement à l’ensemble de leurs politiques le prisme de la santé-environnement". De l’autre, ils requièrent de l’État de "consacrer le rôle" de ces dernières, jugé insuffisamment apparent "dans la structuration de la politique française de santé-environnement telle qu’elle ressort en particulier du Plan national santé-environnement (PNSE)" (v. notre article du 7 mai 2021). Ils lui demandent de plus "d’encourager leur investissement sur ce sujet", les rapporteurs déplorant que "le niveau de leur investissement demeure hétérogène" – contrepartie traditionnelle de l’autonomie locale…

Concrètement, le rapport préconise, entre autres mesures :

• d’affirmer le rôle opérationnel et le caractère obligatoire des plans régionaux santé-environnement, "outil majeur de la territorialisation de la santé-environnement" en théorie, mais dont les limites pratiques sont mises en avant : absence de cohérence avec le PNSE ou "très peu de moyens" consacrés par les conseils régionaux à leur préparation et suivi. Les rapporteurs préconisent en conséquence d’y intégrer des objectifs concrets et hiérarchisés ainsi que des indicateurs pour mesurer leur atteinte, la désignation des responsables de leur mise en œuvre, des financements (notamment dans le cadre des outils de contractualisation État-collectivités) et une mise en cohérence avec les autres plans, schémas, programmes et documents de planification devant intégrer la santé-environnement (plans régionaux de santé, Sraddet et Sdrif, schémas d’aménagement régionaux, Padduc, Sdage, Sage, PGRI, etc.)  ;

• de modifier l’article L. 111-2 du code général des collectivités territoriales afin de permettre le concours des collectivités à la santé-environnement, en leur donnant "les moyens d’identifier des objectifs et de les réaliser" ;

• d’associer le conseil territorial de santé à la définition des priorités en matière de santé-environnement "pour favoriser la démocratie en santé et la participation aux décisions des acteurs locaux et citoyens" ;

• de renforcer les moyens des missions interservices de l’eau et de la nature ainsi que des agences régionales de santé afin de consolider leur soutien aux collectivités ;

• ou encore, pour tout projet de planification ou d’aménagement, notamment en matière de logement, de transport et de développement économique, d’intégrer ses effets en matière de santé-environnement dans toute étude d’impact en santé et lors de l’évaluation environnementale.