Le Cese appelle à "repenser la gouvernance de l'action publique pour la transition écologique"

Dans une résolution sur la gouvernance de la transition écologique adoptée ce 29 juin, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) livre ses recommandations en vue de l'élaboration de la prochaine Stratégie française pour l'énergie et le climat (Sfec). Loi de programmation financière pluriannuelle dédiée, territorialisation de la Sfec, systématisation du "budget vert" dans les collectivités, formation des fonctionnaires et des élus aux enjeux climatiques, rôle de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) territoriale pour les régions dans les bassins d’emploi de leur ressort … : plusieurs préconisations concernent directement les collectivités.

Alors que la France n'est pas parvenue à tenir ses objectifs climatiques, comme l'a encore souligné le dernier rapport annuel du Haut Conseil pour le climat, et se trouve confrontée à plusieurs affaires judiciaires en la matière (affaire du Siècle, affaire Grande-Synthe), le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté en séance plénière ce 29 juin (par 113 voix pour et 1 abstention) une résolution sur la gouvernance de la transition écologique, dans le cadre de la future Stratégie française pour l'énergie et le climat (Sfec), un chantier d'ampleur pour le nouveau quinquennat. Le Cese estime ainsi que la Sfec "doit être l'occasion de repenser la gouvernance de l'action publique pour la transition écologique". Celle-ci "implique des choix de société et génère des impacts sociaux, sociétaux et économiques majeurs, souligne la résolution. La gouvernance de cette transition doit être animée dans l'objectif de garantir une transition juste, systémique et d'impliquer toutes les parties prenantes de la conception à l'évaluation des politiques publiques mises en œuvre".

Ambitions climatiques à renforcer 

Le Cese fait dix recommandations dans cette optique, en appelant d'abord à "mettre la transition écologique au cœur de l'action gouvernementale – sur ce point, il accueille favorablement les annonces du président de la République en faveur de la planification écologique, avec un pilotage par la Première ministre appuyée par un Secrétariat général à la planification écologique. 
La résolution appelle aussi le gouvernement à renforcer ses ambitions dans le cadre du plan climat européen. La France s'était engagée jusqu'ici à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d'ici 2030 par rapport à 1990, mais elle devra traduire au niveau national le renforcement des objectifs de l'UE désormais d'au moins -55% d'ici 2030. En complément, le Conseil appelle le gouvernement à mettre en place "un objectif de réduction de l'empreinte carbone, plus à même de traduire l'impact climatique de la France car intégrant les émissions liées aux importations", sans en faire pour autant un objectif contraignant à court terme en raison "des défis méthodologiques que cela pose".
Selon les chiffres du gouvernement, les émissions importées - par exemple celles générées par la production d'un smartphone importé en France, qui seront imputées au pays où il est fabriqué - représentaient en 2020 près de la moitié (49%) de l'empreinte carbone de la France. Empreinte carbone qui a diminué de 15% depuis 1995, avec une baisse des émissions intérieures de 31% mais une hausse des émissions importées de 12%.

"Se donner les moyens financiers" de la transition

Le Cese recommande également de "se donner les moyens financiers" pour cette transition avec une loi de programmation financière pluriannuelle dédiée. "Une telle loi devra permettre de définir les trajectoires de financement pour les secteurs clés de la transition, les dispositifs d'aides publiques, et moyens pour les opérateurs publics de la transition, mais aussi le verdissement des différents financements 'non climatiques' (aides publiques, investissements, soutiens aux entreprises, dotations aux collectivités) et la réduction des dépenses néfastes pour le climat et la biodiversité", écrit-il. 
Il réitère sa recommandation d’attribuer une "dotation climat-énergie pérenne à tous les territoires désireux de s’engager ou de poursuivre les transitions à la hauteur des enjeux, laquelle serait conditionnée à l’établissement d’un contrat pour une durée longue et à l’atteinte effective des objectifs contractuels". Il dit accueillir "favorablement" la mise en place de contrats de relance et de transition écologique (CRTE) "qui constituent un premier pas en ce sens", mais regrette le manque de moyens associés et de critères sur les mesures à mettre en œuvre (minimum requis et lignes rouges). Il recommande également d’exclure les investissements et dépenses des collectivités dédiés à la transition écologique des règles fixées par l’État pour limiter l’évolution des dépenses. 
Le Cese renouvelle sa recommandation de "mettre en cohérence la progression prévue de la contribution climat énergie avec la trajectoire de réduction des émissions, en assurant les mesures de compensation sociale indispensables à l’égard des ménages les plus modestes, tout en veillant aux effets de seuil". Dans cette perspective, il soutient la recommandation formulée par le Conseil des prélèvements obligatoires d’affecter les recettes de la fiscalité environnementale à des investissements verts et au soutien des revenus des ménages les plus modestes pour renforcer son acceptabilité.

La territorialisation de la Sfec, "un enjeu essentiel"

Il souligne en outre la nécessité d'"assurer la cohérence des objectifs nationaux et territoriaux et les moyens des collectivités pour les atteindre". "La territorialisation de la Sfec sera un enjeu essentiel pour assurer la cohérence et l’articulation entre les objectifs nationaux et territoriaux, leur légitimité au plus près des réalités de terrain et leur mise en œuvre opérationnelle, estime-t-il. Dans cette perspective, les représentants des différents échelons de collectivités et les parties prenantes concernées, notamment dans le cadre des Ceser, devront être étroitement associés à l’élaboration de la Sfec avec une attention à leurs particularités respectives, notamment celles des collectivités d’outre-mer."
Le Cese remonte aussi au créneau "pour l’harmonisation rapide des indicateurs de suivi permettant une consolidation des données territoriales" et "une analyse de cohérence entre la somme des objectifs territoriaux et les objectifs nationaux". Il appelle, "dans la mesure du possible", à "synchroniser les planifications aux différents niveaux". "Bien qu’une obligation de résultat semble difficile, au vu de la responsabilité limitée de l’administration sur les émissions globales du territoire, dimensionner les plans en cohérence avec la Sfec paraît essentiel, précise-t-il. Une obligation de résultats alignée sur la Sfec pourrait toutefois être prévue en ce qui concerne les émissions de GES [gaz à effet de serre] relevant des compétences directes de la collectivité."
Si les compétences relatives à la transition écologique ont été concentrées à l’échelle des régions et des EPCI, cette organisation qui "vise à l’efficacité" "ne doit pas occulter le rôle des autres échelons de collectivités, notamment des départements et communes", juge le Cese. Afin de mobiliser ces collectivités sur leur périmètre de compétences, il suggère donc de "systématiser l’exercice de budget vert qui consiste à évaluer les dépenses de la collectivité au prisme de leurs impacts environnementaux, notamment sur le climat". Il demande également au gouvernement de "clarifier, via un rapport dédié, les moyens humains et financiers à disposition des différents niveaux et types de collectivités au regard de leurs compétences et des objectifs à atteindre, avec une attention aux possibilités de mutualisation".

Formation des fonctionnaires, des élus et préparation des mutations de l'emploi

Le Cese appelle aussi à faire de la formation aux enjeux climatiques et environnementaux, une priorité dans la formation initiale et continue des décideurs publics. Dans cette perspective, il recommande de modifier les référentiels des compétences attendues dans les écoles de hauts fonctionnaires, de mettre en place un programme de formation continue avec un caractère obligatoire pour les fonctionnaires en poste et d’intégrer la connaissance et l’engagement sur les enjeux de la transition dans les critères de recrutement et d’évaluation des fonctionnaires. Il suggère aussi de mettre en place un "programme de formation et de leadership sur les enjeux de la transition" à destination des responsables politiques (ministres, parlementaires, élues et élus locaux).
Enfin, il insiste "sur la nécessité d'intégrer les luttes contre les inégalités dans cette transition qui "ne sera pas possible sans justice et acceptabilité sociale". Dans ce cadre, "les mutations de l’emploi que supposent les transitions déjà engagées et à venir, dont les besoins d‘adaptation rapides aux changements climatiques, nécessitent des mesures de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) préparant aux métiers de demain", souligne-t-il. Pour "contribuer à une mise en œuvre cohérente de la transition dans les territoires", il préconise donc à nouveau que la compétence économique des régions soit renforcée par l’attribution d’un rôle de GPEC territoriale dans les bassins d’emploi de leur ressort. "Les instances consultatives organisant le dialogue social et civil, placées auprès des exécutifs régionaux, ont en effet la compétence pour se saisir de ces sujets dans le cadre de l’examen du Pacte régional d’investissement dans les compétences (Pric) et des plans régionaux de formation (Srefop)", justifie-t-il.
 

 

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