Un bilan en demi-teinte pour l’ouverture des données de mobilité

L’Autorité de régulation des transports (ART) a publié le 29 juin un premier bilan de l’ouverture des données de mobilité. Sans surprise, les producteurs de données font état de difficultés pour la mise en œuvre de l’open data quand les réutilisateurs pointent le manque de complétude et de qualité des données.

La loi d’orientation des mobilités (LOM) a confié à l’Autorité de régulation des transports (ART) le contrôle de l’ouverture et de l’utilisation des données de mobilité. Des données que les autorités organisatrices des mobilités (AOM) ont obligation de mettre à disposition dans des formats ouverts et interopérables depuis le 1er décembre 2021. L'ART a publié ce 29 juin un bilan, nourri d’auditions et d’une enquête à laquelle 35 entités ont répondu notamment Régions de France, le Groupement des autorités responsables de transports (Gart), l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) côté producteurs de données et Google et Mappy côté utilisateurs.

Retard sur les données dynamiques

Globalement, l’ART souligne que les données publiées proviennent pour 80% des AOM et couvrent la totalité des régions de métropole et d’outre-mer. 88% des données portent sur des informations statiques (arrêts, lignes…), les données temps réel (état du trafic, disponibilité de véhicules…) étant aujourd’hui peu publiées. La publication de l’exhaustivité des données tarifaires (tarifs sociaux, réductions, gratuité…) imposée par le règlement européen de 2017 est également à la traîne. Cette disparité des données se traduit aussi dans les services, très inégaux d’une région à l’autre, et un faible développement des offres MAAS ou mobilité en tant que service (sur ce sujet, voir également notre article).

La complexité à l’origine des retards

L’enquête révèle ensuite une nette différence de perception entre producteurs et réutilisateurs. Côté producteurs, le cadre créé par la LOM est perçu comme une "véritable avancée", source "d’innovation et d’équité". Les AOM se félicitent des possibilités de compensations financières pour couvrir le coût de production de certaines données. Dans le détail cependant, leur maîtrise du cadre règlementaire reste perfectible. Son périmètre d’application – données statiques, dynamiques, historiques… - ou les seuils de gratuité pour les données temps réel sont par exemple mal connus. Pour expliquer leurs retards dans le respect des échéances réglementaires, les AOM mettent en avant des spécifications techniques fluctuantes et la complexité de la norme NeTex privilégiée par l’Europe. Ils souhaitent aussi que l’Etat mette à disposition un serveur "proxy" pour faciliter la mise en ligne de données dynamiques.

Qualité et mise à jour perfectibles

La norme NeTex est aussi dénoncée par les réutilisateurs qui lui préfèrent le standard international GTFS poussé par Google. Or celui-ci, prédominant à l’échelle mondiale, n’est pas explicitement mentionné dans la réglementation. Les réutilisateurs pointent aussi des données "pas toutes disponibles, accessibles et de qualité insuffisante". Le manque de normalisation des API nuit par exemple à l’exploitation des données dynamiques. Autre limite au développement d’applications, la disparité des licences open data protégeant les données des producteurs (licence ouverte, ODBL ou "mobilités") qui empêche leur compilation. D’une façon générale, les réutilisateurs estiment que le cadre réglementaire gagnerait à être "plus ambitieux et plus précis", en l’étendant notamment aux taxis et VTC.

Un accompagnement apprécié

Le point d’accès national (PAN) aux données, élément central de la réglementation nationale et européenne, ne joue pas totalement son rôle. Il représente en effet pour les réutilisateurs une source de données de mobilité loin d’être "unique". Pour leur système d’information multimodal (SIM), les AOM privilégient par exemple les échanges de données directement avec les gestionnaires de réseaux. Néanmoins, le PAN est apprécié pour la documentation qu’il propose et les experts qu’il met à disposition. Son rôle d’animation et d’accompagnement est salué par les petites et moyennes AOM. La communauté open data reste cependant difficile à mobiliser, l’ART note que les instances de normalisation – dont le rôle est fondamental dans toute démarche open data – sont "peu connues", peu de répondants indiquant "y participer".
Enfin, concernant le rôle de régulateur de l’ART, les répondants souhaitent une "approche progressive et adaptée des contrôles" en veillant à "instaurer une équité entre tous les acteurs". Si les producteurs de données craignent la "surcharge administrative" liée aux contrôles, les réutilisateurs espèrent qu’ils favoriseront l’ouverture des données des récalcitrants.

 

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