Actualités

Thème de la publication
Aménagement & Urbanisme
Numéro

Actualités Habitat n°1176

Paru dans

OCTOBRE 2022

Actualités Habitat n°1176

Date de publication :

31 octobre 2022

Auteur(s) :

VICTOR RAINALDI

Densité urbaine : quand collectivités locales et organismes Hlm agissent ensemble

Une webconférence organisée le 15 septembre 2022 par le Réseau des acteurs de l’habitat a mis en exergue les défis posés par la densification. Ils conduisent à un renforcement du travail en commun entre collectivités locales et organismes Hlm afin d’assurer la maîtrise des prix du foncier, le dialogue sur les projets avec les habitants et la poursuite de la politique de mixité sociale sur des espaces contraints.

Inscrit dans la loi Climat et résilience d’août 2021, l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) est une injonction au recyclage urbain qui implique de densifier la ville en reconstruisant sur l’existant. Cette injonction pose de nombreuses questions aux acteurs de l’habitat : où densifier ? Avec quelle intensité ? Et avec quels savoir-faire ? Elle interroge aussi sur son acceptation par les habitants qui détermine, au moins en partie, la vigueur avec laquelle les élus s’engageront à réduire l’artificialisation des sols. Un point particulièrement sensible dans un contexte où la crise sanitaire a renforcé le désir d’espace ainsi que le rêve de la maison avec jardin de beaucoup de ménages. À leurs yeux, densification rime avec bétonisation et bitumisation. Pourtant, ils ne sont pas forcément insensibles aux enjeux environnementaux ou à la nécessité de construire pour répondre à une forte demande de logement, notamment dans le secteur Hlm où plus de deux millions de demandes sont en attente. S’ajoute à cela la difficile mise en œuvre des politiques de mixité sociale indissociables de la production de nouveaux logements Hlm.

Une équation difficile à résoudre sur laquelle se sont penchés les intervenants de la webconférence Faire vivre la densité urbaine : collectivités locales et organismes Hlm agissent ensemble. Organisée par le Réseau des acteurs de l’habitat, elle a réuni près de 500 internautes(1).

Rendre la densité désirable

Parmi les thèmes débattus, celui des partenariats que nouent les collectivités locales et les bailleurs sociaux pour proposer une densité acceptable ou, mieux, désirable par tous. Cela suppose de vaincre des résistances, selon Marc Hervé, premier adjoint délégué à l’Urbanisme de la Ville de Rennes, pour qui “construire à l’intérieur des villes génère une conflictualité qui n’existait pas quand on construisait dans le cadre d’une extension urbaine. Dans un premier temps, les riverains ne veulent pas de la densification et c’est le rôle des élus de “prendre la foudre”, d’expliquer le projet global pour ensuite passer le témoin aux bailleurs sociaux qui détailleront leur choix de construction aux habitants”. Mais tous les territoires ne ressemblent pas à Rennes où les élus assument pleinement un rôle de régulation des marchés fonciers immobiliers, fait remarquer Raphaële d’Armancourt, responsable du pôle Politiques territoriales et urbaines à l’USH. “Il faut être dans une logique de co-construction des projets avec les élus pour en définir les grandes orientations et déterminer où placer le curseur en termes de mixité sociale”. Ce dialogue doit s’établir y compris lorsque le foncier est détenu par les organismes Hlm, affirme-t-elle.

Un partenariat d’autant plus indispensable que les bailleurs sociaux ne sont pas des promoteurs immobiliers, souligne Adrien Gros, directeur Aménagement et urbanisme chez Aquitanis. “Ils conservent la propriété des logements construits et restent présents dans la durée. Une présence qui les oblige à assumer les choix effectués en termes de densité tant auprès des locataires que des habitants et des collectivités”. Adrien Gros recommande d’aller au contact des habitants pour débattre des projets d’aménagement, comme cela a été fait récemment à Bordeaux dans le cadre d’une opération de construction de 100 logements sociaux dans un quartier de maisons individuelles avec jardins. “Au final, le projet a été mieux accepté et les élus ont apprécié”, constate-t-il. À Rennes, l’information des habitants est inscrite dans la charte Construction et citoyenneté. Elle prévoit de leur présenter les projets de densification en les resituant dans la politique urbaine de la métropole.

Densifier l’habitat représente toujours “une prise de risque politique pour les élus”, alerte Marc Hervé. Pour la réduire, les projets de densification doivent selon lui mettre en valeur l’amélioration de la qualité de vie qu’ils peuvent procurer. Au sens où l’augmentation du nombre d’habitants qu’ils génèrent permet l’installation d’équipements publics (école, crèche, gymnase…), l’ouverture de commerces et de services. “Il faut se doter d’un projet urbain qui dépasse le seul cadre du logement”, souligne l’élu rennais. Sur la même longueur d’onde, Raphaële d’Armancourt soutient qu’une densité optimale, qui intègre une part de nature en ville, peut “contribuer au bien-être”. Elle voit aussi dans la densification un moyen de lutter contre la désertification des centres-villes que les élus combattent pour redonner de l’attractivité à leur commune.

Maîtriser les prix du foncier, une priorité

La densification du logement sur un tissu urbain “diffus”, parfois dégradé, revient, comme le souligne Adrien Gros, “à travailler dans la dentelle” sur des opérations qui représentent en moyenne moitié moins de logements qu’il y a seulement quelques années. Ces évolutions exigent-elles des compétences nouvelles chez les bailleurs sociaux ? “Ce n’est pas un changement radical auquel nous assistons”, répond Raphaële d’Armancourt. “En Île-de-France, 85% des opérations se font déjà en recyclage urbain et dans les Hauts-de-France les deux tiers sont dans ce cas”. Si changement radical il y a, il relève plutôt “de l’explosion des prix du foncier”, reprend Marc Hervé. Sur le territoire de Rennes Métropole, l’acquisition d’un hectare de surface agricole revenait à 5 000 €. Celle d’un seul mètre carré en ville revient entre 1 000 et 1 500 €, soit de 10 à 15 millions d’euros l’hectare… “D’où la nécessité d’une forte régulation, sinon l’accession à la propriété deviendra impossible pour les classes moyennes”, alerte l’adjoint au maire. Et la mixité sociale en pâtirait encore.

Des outils d’action sur le foncier

Pour faire face aux défis de la densité et rendre le foncier accessible, les intervenants de la webconférence soulignent le rôle-clé de la volonté politique et identifient un certain nombre d’outils à la disposition des élus. La mise en place de servitudes de mixité sociale (SMS) peut imposer aux promoteurs immobiliers de réserver une partie de leur production à l’accession et à la location sociales. Ainsi à Rennes, elles s’appliquent dès qu’un programme dépasse 15 logements, avec un prix de Vefa établi à 1 890 €/m2 pour rester compatible avec le cadre d’intervention des organismes Hlm. Le dispositif Office foncier solidaire - Bail réel et solidaire (OFS/BRS), qui permet de dissocier la propriété du terrain de celle du bâti, est un moyen pour produire une offre accessible aux ménages modestes dans des secteurs aux coûts fonciers élevés.

D’autres outils ont montré leur efficacité pour favoriser la densité. Les PLU et PLUi (Plans locaux d’urbanisme communaux et intercommunaux) peuvent alléger les normes de stationnement, prévoir des bonifications de constructibilité, ou définir des secteurs de densité minimale sur des emprises de projet (en ZAC) ou à proximité des axes de transport collectif. Rennes a même inclus dans son PLUi un coefficient de végétalisation qui préserve les espaces en pleine terre et peut aider à faire accepter la densité bâtie par ailleurs. Car, en définitive, la densification vise la préservation, voire la réhabilitation du sol, que ce soit en limitant l’étalement urbain, ou en rétablissant au cœur des villes des espaces désimperméabilisés et végétalisés qui, outre leur apport à l’amélioration du cadre de vie, contribuent à lutter contre les effets néfastes du dérèglement climatique dans les villes.

En conclusion de la webconférence, Adrien Gros a insisté sur l’importance d’expliquer les projets de densification aux riverains mais aussi sur l’impérieuse nécessité de savoir les “écouter” dans le cadre d’un dialogue ouvert. “Les oppositions à un projet portent toujours au moins un fond de raison qu’il faut savoir prendre en considération pour le faire évoluer et le rendre plus acceptable”.

(1) Le replay de la webconférence du 15 septembre est accessible sur le site du Réseau des acteurs de l’habitat : www.acteursdelhabitat.com

Contacts USH : Dominique Belargent, USH - Mél. : dominique.belargent@union-habitat.org ; Raphaële d’Armancourt, USH - Mél : raphaele.darmancourt@ union-habitat.org

 

Quelle densification dans quelle(s) forme(s) urbaine(s) ?

Dans chaque territoire, qu’il soit urbain ou rural mais également au sein d’une même ville, peuvent coexister différentes formes urbaines appelant des réponses spécifiques. Cette diversité “ne permet pas d’établir un modèle unique de densification”, explique Marc Hervé. Par exemple, les grands ensembles, très peu denses contrairement aux idées reçues, construits dans les années 1955 à 1975 présentent des caractéristiques propices à “une densification horizontale”, soutient Raphaële d’Armancourt. Mais dans d’autres formes urbaines, le seul moyen de densifier sera la verticalité et donc l’augmentation de la hauteur des immeubles. Les centres-bourgs ruraux exigent encore un traitement différent. Selon Adrien Gros, l’enjeu n’est pas tant d’y construire de nouveaux bâtiments que de réhabiliter ceux qui existent en les rendant plus attractifs pour lutter contre la vacance qui les frappe. Une démarche qui nécessite de les reconnecter aux transports, aux commerces et aux services.

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1176 DU 31 octobre 2022

Actualités Habitat n°1176

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