L’exode urbain, mythe ou réalité ?

Maison individuelle ©Getty - Bloomberg
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Depuis l’épidémie de Covid-19, on entend beaucoup parler d’une envie d’ailleurs chez les citadins des grandes métropoles, à commencer par les Franciliens. On a pourtant peu de données sur ce phénomène. Alors, mythe ou réalité ?

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Ce soir, Le téléphone sonne s’intéresse à l’exode urbain qui semble s’être démocratisé chez les citadins, notamment les Franciliens depuis la Covid-19. Même s’il y a encore peu de données sur ce phénomène, des spécialistes de l’immobilier viennent le confirmer en notant que les nouveaux venus font grimper les prix. L’INSEE souligne également que lorsque les Franciliens s’installent en Province, ils créent des écarts de vie importants avec leurs nouveaux voisins. Ce qui crée la colère de certains élus, les accusant de casser le marché de l’immobilier. On sait également que la première ville de France qui attire les habitants de la région parisienne, tous âges confondus, c’est Lyon, suivie de Toulouse, Nantes, Bordeaux et Marseille.

Pour le reste, on manque d’éléments, au point que les chercheurs se penchent sur les inscriptions scolaires ou les réexpéditions de courrier pour tenter d’en savoir plus.

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La région parisienne est le territoire français qui perd le plus d’habitants

En termes d’exode urbain, c’est la région parisienne qui perd le plus d’habitants. Son solde migratoire, c’est-à-dire la différence entre les départs et les arrivées, est négatif. Mais par bien des aspects, la région parisienne est différente du reste du territoire, que ce soit par le prix de l’immobilier, les concentrations de richesse et de pauvreté ou encore les temps de transport. Autre aspect différentiel, Paris se jauge sur la scène mondiale avec Tokyo ou Londres contrairement à la Province.

Des jeunes fiers de leurs origines provinciales

Jérôme Batout note que contrairement à il y a quelques années, les jeunes sont fiers de leurs origines provinciales contrairement à l’époque où l'auteur était étudiant à Sciences Po à Paris : « À cette époque, tous les provinciaux qui arrivaient pour étudier, dissimulaient leur identité provinciale. On observe que les jeunes se réapproprient ce terme que leurs parents et grands-parents jugeaient condescendant et méprisant. Il y a donc une différence générationnelle. »

Une distinction entre Paris et la Province qui date de Louis XIV

La distinction entre Paris et la Province ne date pas d'hier, elle existe depuis Louis XIV. Ce « couple » a pendant très longtemps marché. Auparavant, Paris était à 100 % dépendant de la Province ne serait-ce que pour manger et se vêtir, la capitale comptait sur ses usines et son agriculture. C’est seulement à partir des années 90 et à l’ouverture de la mondialisation que Paris a peu à peu "largué" la Province et a commencé à s’intéresser aux pays d’Europe de l’Est, à l’Afrique du Nord. Pour l’essayiste Jérôme Batout, qui a consacré un livre, "La revanche de la Province " sur cette relation tumultueuse, la réconciliation est possible. D’après lui : « Paris hésite entre devenir un « Dubaï sur Seine » dédié au luxe et au tourisme, et d'autre part, Paris s'efforce de devenir une ville de province. La capitale essaye de ressembler à un village sur bien des aspects, mais elle n’y arrivera pas. »

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Paris sature

L’une des grandes différences entre Paris et la Province, c’est sa densité. Celle de Paris est de 20 000 habitants au kilomètre carré. Un chiffre complètement délirant lorsque l’on sait que la densité de Tokyo pour la même superficie est de 13 000. Dans les pays occidentaux, il n’y a guère plus que New York qui est plus dense que le centre de Paris. Et la montée des prix de l’immobilier s’en ressent obligeant de plus en plus de citadins à partir s’installer en Province. À l’échelle de l’Europe, la France est le plus vaste territoire après l’Ukraine, et a une densité modérée à l’échelle du territoire. Bon nombre de régions aimeraient voir l’arrivée de citadins pour s’installer et relancer l’économie locale.

De nouvelles motivations pour quitter la ville

Selon Eric Charmes, les motivations des citadins qui quittent la ville ont changé : « C'est vrai qu'il y a une dynamique qui, d'un point de vue quantitative, reste assez limitée. Mais on sent qu'il se passe quelque chose. Pendant longtemps, les citadins qui quittaient la ville, allaient s'installer dans des villages proches de leur ville. Ils le faisaient pour changer de cadre de vie en quelque sorte, dans une attitude un peu consumériste, à la campagne. Maintenant, on observe que de plus en plus de ménages, notamment dans les jeunes générations, ont la volonté de vraiment changer de style de vie. C’est aussi en réaction à la crise climatique, et aussi une critique envers les modes de vie métropolitains et le consumérisme. »

Les invités :

Eric Charmes, directeur de recherche à l’ENTPE, auteur de  La revanche des villages (Seuil), et de  Métropole et éloignement résidentiel (Autrement).

Jérôme Batout, essayiste, auteur de La Revanche de la province (Gallimard)

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

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