Villes et voitures : le désamour

Marjolaine Koch
Villes et voitures : le désamour

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© Miguel Discart

Les épisodes de pollution s’enchaînent et sont de plus en plus longs : devant ce constat, de nombreux maires développent des stratégies diverses dans un même but : tâcher de retrouver une qualité de l’air plus saine.

Beaucoup de villes se sont construites autour de la voiture, ou bien se sont adaptées pour lui laisser la part belle. Après des décennies à ce rythme, le symbole de liberté qu’elle représente commence à s’effriter. Car les chiffres sont éloquents : selon l’OMS, elle contribuerait à la mort d’1,2 million de personnes chaque année. Les épisodes de pollution se multiplient, alertent (enfin ?) le citoyen sur la nécessité de modifier ses habitudes. Pour les y aider, les villes adoptent des stratégies différentes.

Péages, amendes : la restriction par le porte-monnaie

Dès 2003, Londres mettait en place un péage urbain sur les quartiers centraux : Westminster, la City et les quartiers de l’Ouest. À 8 £ le droit de passage, le trafic a diminué de 20 %. Madrid a choisi une autre option : celle de l’amende pour quiconque ne disposant pas d’une place de parking attitrée s’aventurerait dans les quartiers centraux. Et à 90 € la douloureuse, l’effet est dissuasif.

Les « Low emission zone »

Ces zones de basse émission sont adoptées par de plus en plus de villes. Stockholm était précurseure en la matière : la ville instaure sa « LEZ » dès 1996 en interdisant la circulation en ville aux véhicules jugés trop polluants. Initialement, le programme concernait uniquement les camions et les bus roulant au diesel. Aujourd’hui, tous les poids lourds et les bus de plus de six ans sont concernés. À Berlin, ils l’appellent « zone écologique » : depuis le 1er janvier 2010, seuls les véhicules équipés d’une vignette verte, donc peu polluants, peuvent circuler dans le centre-ville élargi.

Stockholm était précurseure en la matière : la ville instaure sa « LEZ » dès 1996 en interdisant la circulation en ville aux véhicules jugés trop polluants.

La majorité des grandes villes allemandes a adopté ce système. À Lisbonne, les véhicules des personnes non-résidentes doivent avoir été fabriqués après 2000 pour pouvoir circuler en semaine dans le centre historique. Les plus intransigeants sont sans aucun doute les Japonais : à Tokyo, depuis 1999, les véhicules diesel sont bannis. Leur utilisation peut vous valoir une amende de 3 900 €. Radicale, cette initiative a permis de diminuer de 55 % la concentration en particules fines PM2,5 entre 2001 et 2011.

Barcelone : Une voiture à la casse, des transports gratuits
Pour faire disparaître les « voitures poubelles » de sa ville, la mairie a choisi une option originale : celle d’offrir trois ans d’abonnement aux transports en commun à tous ceux qui accepteront de porter à la casse leur voiture ancienne. Le programme s’appelle Renove, il concerne non seulement les Barcelonais, mais aussi les habitants de l’aire métropolitaine.

Pour bénéficier de ce programme, il faut envoyer à la casse un véhicule construit avant 2006 pour les diesels, avant 1997 pour les moteurs essence, ou avant juillet 2004 pour les motos. Une preuve de destruction et de non-acquisition d’un nouveau véhicule dans les six mois précédents doit être apportée pour décrocher la « carte verte métropolitaine ». Chaque année, le contrôle sera réitéré. Le propriétaire de la voiture, mais aussi les autres membres de la famille, à condition qu’ils ne soient pas titulaires d’un autre véhicule, pourront bénéficier de ce pass gratuit qui donne accès au réseau de bus, de métro, de tramway et aux transports interurbains du grand Barcelone. La municipalité estime que la mesure pourrait concerner environ 30 000 véhicules et que, chaque année, 10 % des propriétaires de ce parc pourraient accepter cette offre.

Faire la part belle aux vélos et aux piétons

Bruxelles décroche le pompon mais non sans douleur : depuis 2015, la municipalité a créé la plus grande zone piétonne d’Europe (hors Venise). De la place de Brouckère à la place Fontainas, 28 hectares d’espace sans voiture ont été ajoutés aux 22 hectares déjà sanctuarisés de la zone dite Unesco, autour de la Grand-Place. La ville, qui était totalement congestionnée même hors des heures de pointe, ne respectait plus le seuil de pollution admis par l’OMS (vingt microgrammes par mètre cube). La vitesse est désormais limitée à 30 km/h dans tout le Pentagone, et une boucle de desserte entourant l’espace piétonnier a été aménagée pour permettre d’accéder aux parkings situés à proximité de la zone. Pour empêcher le trafic de transit, la circulation se fait majoritairement sur une seule voie, à sens unique. Mais pour les commerçants, ces modifications, auxquelles se sont ajoutés les plans de vigilance suite aux attentats, ont un effet retentissant sur leur chiffre d’affaires : la partie est serrée pour les élus.

À Dublin, seuls les moyens de déplacement doux et les transports en commun seraient autorisés à circuler.

Dublin, qui n’était pas connue pour son amour du piéton et du cycliste, se lance aussi dans la course au changement en choisissant de bannir la voiture autour de College Green. Seuls les moyens de déplacement doux et les transports en commun seraient autorisés à circuler, même les taxis seraient interdits. Mais, là encore, le bras de fer est en cours.

De son côté, Copenhague a pris le problème dans l’autre sens, en tâchant d’encourager au maximum les déplacements à vélo. L’objectif de la ville était d’atteindre les 50 % de personnes transportées à vélo dans les trajets domicile-travail pour fin 2015. Même s’ils n’y sont pas parvenus, le chiffre est en constante augmentation et franchit le seuil des 41 % en ce début d’année. Le développement d’autoroutes cyclables entre les banlieues et le centre-ville devrait leur permettre, dans les prochaines années, de franchir le rubicond.

En Amérique, des plantes contre la pollution
Fidèles à leurs principes de ne pas entraver la liberté d’autrui, les Américains se tournent vers d’autres solutions que la limitation de l’usage de la voiture. À Los Angeles, depuis 2007, le programme « Trees for a green L.A. » a pour but de planter 1 million d’arbres et de déployer de nouveaux espaces verts, pour absorber les particules de CO2. Les habitants, écoles, parkings ou entreprises souhaitant contribuer au projet peuvent « accueillir » dans leur jardin de nouveaux arbres offerts par la mairie.

New York adoptait la même politique en 2007, et l’objectif du million d’arbres plantés a été atteint en 2015 grâce à l’aide de 50.000 citoyens, qui se sont notamment portés volontaires pour aider à planter ces arbres dans les parcs de la Grosse Pomme.

Mexico vient de prendre une initiative similaire : son projet « Via verde » consiste à installer des jardins verticaux sur 1 000 piliers d’autoroutes urbaines. La surface totale sera de 60 000 m². Un revêtement spécial, prévu pour protéger la structure des colonnes, comportant des petites poches pour contenir les plantes, entourera les piliers. L’eau de pluie sera redirigée vers les plantes afin qu’elles s’auto-entretiennent. Selon la municipalité, le déploiement de ces plantes devrait permettre de filtrer 27 000 tonnes de gaz nocifs et capturer 10 000 kg de métaux lourds. Certains professionnels mettent cependant en doute la capacité des matériaux à résister au poids et à un écoulement d’eau permanent sur les structures.

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