Environnement : trois expériences de transition durable

Séverine Cattiaux
Environnement : trois expériences de transition durable

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© panitialapon - fotolia

Préparer l’avenir, c’est un défi qui demande des décisions et de l’action. Dans des quartiers, des villes et même des pays entiers, différents acteurs (citoyens, responsables associatifs, élus, ministres…) ont pris les choses en mains pour proposer aux habitants d’évoluer ensemble vers le bien-vivre. Des plus petites réalisations aux plus grandes, panorama de ces initiatives qui veulent rompre avec la passivité et l’attentisme.

Article publié le 19 mai 2017

Qu’ont en commun Villeray, quartier de Montréal, Essen, capitale verte de l’Europe et l’Équateur, avec son secrétariat d’État du bien-vivre ? De préparer l’avenir des gens, autrement.

Le quartier Villeray à Montréal, en transition

Le quartier Villeray fait partie d’un arrondissement de 142 000 habitants, qui regroupe trois quartiers à Montréal. « Villeray en transition » est né en 2011, à l’initiative d’un « groupe citoyen non-partisan ». Il s’est assigné comme tâche d’agir contre le changement climatique et en prévention du pic pétrolier. Le groupe conduit de petits projets, comme la distribution gratuite de plants de tomates, et des plus grands, comme le réaménagement convivial de rues dans le quartier. Ces initiatives modestes portent leurs fruits. « Elles ont été reprises par l’administration, suite à nos démarches et à celles de nos partenaires, notamment une élue qui a fait siennes ces idées » souligne Blaise Rémillard, co-fondateur du projet « Villeray en transition ». Un certain nombre de projets ont eu naturellement une portée plus grande et dépassé le strict périmètre du quartier de Villeray. « C’est le cas de nos projections de film Cinéthique, de La Remise (une bibliothèque d’outils), ou de notre projet de monnaie locale, qui vole maintenant de ses propres ailes et qui portera sur tout le territoire montréalais ».

Le groupe tient bon le cap de la transition. Un seul regret : la sous-représentation des familles, des ouvriers, des immigrés et des précaires.

Le groupe a avancé en préservant son indépendance du politique. « Nous avons des relations cordiales avec nos élus d’arrondissement », signale toutefois le coordinateur. Cette indépendance les a autorisés, en revanche, à être quelques fois plus critiques. « Ce n’est pas le cas d’autres organisations sociales, environnementales ou en développement économique qui dépendent de financements municipaux ». Le groupe tient bon le cap de la transition. Un seul regret : la sous-représentation des familles, des ouvriers, des immigrés et des précaires. A contrario, sont majoritaires les personnes jeunes (25-30 ans) très informées et scolarisées, pas nécessairement très riches, mais issues de milieux plus favorisés que la moyenne « qui, du reste, ne sont pas les personnes qui surconsomment objets, voitures et carburants », commente le coordinateur, qui ajoute : « À ce sujet, je pense que nous avons aussi des efforts à faire pour inciter le public riche de centre-droit à nous rejoindre ! »

Lire aussi : Pourquoi la décentralisation est bonne pour l'environnement

À l’échelle du pays : la ville d’Essen écologique et solidaire

Essen a été désignée capitale verte de l’Europe 2017. 95 % de sa population vit actuellement dans un rayon de 300 mètres autour de zones vertes urbaines. Il n’en a pas toujours été ainsi. « La transformation spectaculaire d’un foyer de l’industrie du charbon et de l’acier en ville la plus verte de Rhénanie-du-Nord – Westphalie témoigne du succès de la mutation structurelle de la ville d’Essen » constatait Karmenu Vella, commissaire européen à l’Environnement, le jour de la remise du titre de capitale verte. Au cours de cette année, Essen s’engage à aller encore plus loin, en lançant trois cents projets citoyens et manifestations qui contribueront à améliorer la qualité de vie. Essen affiche ainsi des objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO2 de 40 % d’ici à 2020, la réfection de 128.000 mètres carrés de routes avec un asphalte anti-bruit. Au niveau des mobilités, elle mise sur tous les modes alternatifs et, depuis dix ans, développe le transport cyclable avec une piste cyclable longue de cent kilomètres à travers les villes de Duisburg et de Hamm. 376 km de pistes cyclables devraient permettre d’augmenter les déplacements à vélo de 25 % à l’horizon 2035.

Essen affiche l’objectif ambitieux de 40 % de réduction des émissions de CO2 d’ici à 2020.

La capitale verte vise aussi un objectif de recyclage de 65 % d’ici à 2020, la réduction des déplacements en voiture de 29 % d’ici à 2035. Au total, vingt mille nouveaux emplois dans le secteur de l’environnement devraient être créés à horizon 2025.

Si la ville d’Essen mobilise une grosse partie de ses efforts dans la transition écologique en direction de l’avenir, elle n’en est pas moins disponible pour parer à l’urgence humanitaire. « Nous avons accueilli 8 500 réfugiés au cours des deux dernières années. Nous sommes très fiers d’avoir pu gérer cette situation » déclarait Thomas Kufen maire d’Essen lors de la biennale des villes en transition à Grenoble. Hébergements d’urgence puis hébergements permanents, cours d’allemand, soins, etc. ont été prodigués aux réfugiés, avec l’aide de plusieurs organisations. « Il s’agit à présent d’intégrer tous ces migrants, les gens d’Essen ont un grand cœur ». 70 millions d’euros ont été investis en 2016 par la ville pour l’accueil des réfugiés. Le maire ajoute, pragmatique : « l’intégration coûte cher mais la non-intégration coûte encore plus cher ».

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À l’échelle d’un pays : l’Équateur et son secrétariat d’État du « bien-vivre »

En octobre 2016, selon une étude menée par des chercheurs des universités du Michigan, de Chicago et de l’Indiana, l’Équateur arrive en tête des pays où les gens expriment le plus d’empathie. L’enquête a été réalisée auprès de 104.365 adultes de 63 pays. Un résultat dont se réjouit Freddy Ehlers, secrétaire d’État du bien-vivre en Équateur. La notion de « bien-vivre », empruntée à la vision indigène du monde (« sumak kawsay », en langue  kichwa) n’est pas qu’un vœu pieu dans ce pays d’Amérique latine. Le « bien-vivre » est inscrit dans la Constitution du pays depuis 2008, et pas seulement pour faire joli, mais s’affirmer en opposition au « toujours plus », et pour orienter le pays vers une utilisation plus vertueuse des ressources.

Suivant ce nouveau paradigme, l’Équateur est devenu le premier pays à reconnaître des droits constitutionnels à la Nature, afin de protéger notamment la forêt amazonienne. Un secrétariat d’État au bien-vivre a, quant à lui, été créé en 2013. Deux objectifs lui sont assignés : faire courroie de transmission avec les autres ministères et fédérer des alliés à travers le monde pour diffuser l’idée du bien-vivre, comme moteur du progrès humain. Freddy Ehlers a ainsi engagé des démarches avec la Bolivie, la Bhoutan, il s’est rapproché de chercheurs d’Oxford, etc.

L’Équateur est devenu le premier pays à reconnaître des droits constitutionnels à la Nature, afin de protéger notamment la forêt amazonienne.

Malgré des moyens modestes et une petite équipe de vingt personnes, le secrétariat d’État est à l’origine d’importantes décisions. « Dans le domaine de la santé, nous sommes à l’initiative de la création d’un code couleur présent sur l’étiquetage des aliments, qui indique si tel ou tel produit contient trop de sel, de graisse, ou de sucre… » cite en exemple le secrétaire d’État. Avec le ministère de l’Éducation, le secrétariat a conçu un livre de contes portant sur les valeurs universelles : l’honnêteté, le respect, la persévérance, l’humilité, ... distribué dans les écoles, aux enfants de 8 et 9 ans. 300.000 livres ont été diffusés.

Au secrétariat d’État de se féliciter, par ailleurs, de décisions ratifiées par les habitants, signifiant selon lui, la volonté de toute une population de tourner la page du néolibéralisme. « Dans un référendum en mars 2010, les Équatoriens ont décidé de fermer tous les casinos. C’est une initiative fantastique que personne n’avait engagée dans le monde ! […] En février dernier, par référendum, les Équatoriens ont aussi décidé que les fonctionnaires et les candidats aux fonctions électives ne pouvaient plus avoir de comptes dans les paradis fiscaux ».

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