Politique de la ville : il suffira d’un signe

Stéphane Menu
Politique de la ville : il suffira d’un signe

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© ramsah - fotolia

L’intitulé ne fait pas une politique. Mais le fait que le ministère de la Ville n’apparaisse pas dans le premier gouvernement d’Édouard Philippe est perçu comme « un mauvais signal » par les élus et les associations. Les acteurs attendent, fébrilement, d’être agréablement surpris après les législatives.

Ce n’est pas la première fois que la formation d’un premier gouvernement post-élection présidentielle oublie, volontairement ou pas, la politique de la ville. Certes, Richard Ferrand, nommé ministre de la Cohésion des territoires, est aussi virtuellement ministre de la Ville, comme il l’est d’ailleurs aussi du Logement, l’autre grand oublié de « la liste du perron de l’Élysée » et raccroché dare-dare à ce ministère inclus dans un gouvernement aux allures transitoires.

L’après-législatives apportera sans doute les éclairages espérés. Mais les acteurs de la politique de la ville comme ceux du secteur connexe du logement affichent une mine un brin dégoûtée, comme un supporter de l’OM après un match contre le PSG. S’ils s’attendaient à un tel résultat, la confirmation de ce dernier reste difficile à avaler.

La politique de la ville a été ignorée par la plupart des candidats au cours de la campagne présidentielle.

Malgré moult communiqués et autres appels, la politique de la ville a été ignorée par la plupart des candidats au cours de la campagne présidentielle. Peu d’entre eux sont venus battre le pavé dans les quartiers prioritaires. Les associations concernées n’ont pas manqué de fustiger cette absence de considération. L’excellent think-thank Vers le Haut, dévolu aux problématiques éducatives, est même sorti de son champ d’exploration habituel en organisant récemment un débat à l’invitation tonique : « Plus de ministère de la Jeunesse ? Du Logement ? Plus de logement pour les jeunes », tonne son délégué général, Marc Vannesson. Il rappelle au passage certaines évidences : « Sans logement, difficile de construire sa vie, de trouver un boulot… Pourtant, lorsqu’il s’agit de se loger, les jeunes cumulent tous les handicaps ». Et d’en faire la démonstration à travers certaines statistiques : « Le premier emploi stable s’obtient à 27 ans ; un jeune quitte le domicile de ses parents vers 23 ans en moyenne mais quid des jeunes contraints de le faire dès 18 ans ; 15 % des logements sociaux sont attribués aux 18-30 ans mais 25 % des demandes sont du fait de ces mêmes jeunes ».

Lire aussi : Une chape de plomb s'abat sur la politique de la ville

Une clarification, vite…

Bien sûr, il serait hâtif et injuste d’accuser le duo Macron-Philippe d’avoir un désintérêt majeur pour cette thématique de cohésion sociale, au seul motif que les intitulés ministériels habituels auraient disparu. Marc Vuillemot, maire de La Seyne-sur-Mer (83), président de Ville et Banlieue, reconnaît qu’il ne faut pas s’arrêter à ce seul formalisme nominatif. Mais l’absence dans lesdits intitulés de mots-clés comme « les services publics, l’emploi, la formation professionnelle, le dialogue social, l’éducation populaire, la jeunesse, les aînés, les familles, le logement ou la politique de la ville » l’étonne.

« Il faut craindre de lire la disparition de ces compétences ministérielles, comme une inquiétante rupture que la tradition républicaine de solidarité. »

« S’il s’agit pour le président de la République et le Premier ministre de faire de ces sujets des clefs de voûte transversales de l’ensemble des politiques publiques dont tous les ministres, chacun dans son domaine, auront l’obligation de s’emparer, on peut alors espérer une mobilisation forte de l’ensemble des départements ministériels autour de ces enjeux majeurs pour la cohésion républicaine, sociale et territoriale », écrit-il dans son blog. « Mais si tel n’est pas le cas, il faut craindre de lire la disparition de ces compétences ministérielles, comme une inquiétante rupture que la tradition républicaine de solidarité que la Nation doit, au nom de l’égalité, aux plus fragiles de ses citoyens et de ses territoires ». Bref, « une clarification s’impose dans l’urgence ».

Cohésion des territoires, notion trop vague

La coordination nationale Pas sans nous, initiée par Mohamed Mechmache (voir son interview sur notre site), interpelle le nouveau président : « Monsieur Macron, que faites-vous de la politique de la ville ? ». La première réaction est amère : « La suppression du ministère de la Ville, englouti dans un vaste ministère de la Cohésion des territoires, est un signal fort d’abandon envoyé aux habitants des quartiers populaires ».

« La suppression du ministère de la Ville est un signal fort d’abandon envoyé aux habitants des quartiers populaires. »

Car ces derniers ne peuvent se contenter de demi-mesures : « La politique de la ville est une démarche fondamentale qui vise à réduire les inégalités dans toutes leurs dimensions : développement économique, éducation, emploi, habitat, santé. C’est un chantier majeur qui ne saurait être laissé à la marge d’un projet de gouvernement. Plutôt que d’adopter des discours vagues sur la cohésion des territoires, il est fondamental de reconnaître les fragilités que connaissent certains espaces urbains et de mettre en place des mesures fortes pour y remédier ».

Lire aussi : Logement : la métropole grenobloise construit une vision partagée

Macron voulait des « emplois francs »

Au cours de la campagne, le candidat Macron n’a pas complètement ignoré les banlieues. Il a ainsi proposé la création « d’emplois francs » dans les quartiers prioritaires, à l’instar de ce qui se fait dans le cadre du dispositif de zone franche urbaine (ZFU) pour les entreprises. Pour l’embauche d’un habitant d’un des deux cents quartiers prioritaires de la politique de la ville, une prime de 15 000 euros sera versée. Une mesure de « discrimination positive assumée », confirmait entre les deux tours l’entourage d’Emmanuel Macron. Son programme prévoit également des mesures anti-discriminations à travers le renforcement du recours au « testing ».

Il faudra laisser le temps au gouvernement de démontrer que l’intitulé ministériel ne garantit en rien une bonne politique.

En matière d’égalité hommes-femmes, un combat que le candidat souhaitait hisser au rang de « cause nationale », les entreprises qui ne respecteraient pas l’égalité salariale pourront voir leurs pratiques étalées sur internet. Il faudra laisser le temps au gouvernement de démontrer que l’intitulé ministériel ne garantit en rien une bonne politique. Les associations et les élus ne demandent qu’à être surpris.

Lire aussi : 20 ans après : pourquoi on ne peut pas vraiment parler d'échec des zones franches urbaines

Comment les banlieues ont voté
Ville et Banlieue a passé au scanner les résultats du 2e tour de l’élection présidentielle. Ces derniers révèlent ainsi qu’Emmanuel Macron a réalisé ses meilleurs scores (83 % et plus) dans les villes de banlieue francilienne dirigées par la gauche (Cachan, Ivry-sur-Seine, Montreuil, etc.) ainsi que dans les périphéries des grandes villes de l’Ouest, comme à Rezé (Nantes) ou Talence (Bordeaux). Marine Le Pen est créditée d’une forte poussée (plus de 40 %) dans les Hauts-de-France (Grande-Synthe, Liévin, Montataire) ou en région Paca (La Seyne-sur-Mer, Septèmes-les-Vallons ou encore Arles). C’est en banlieue parisienne ou lyonnaise que l’abstention (plus de 35 %) est la plus élevée. Les votes blancs et nuls dépassent la barre des 12 % là où Mélenchon est arrivé en tête au premier tour : Allonnes, Bègles, Oissel, Mérignac, etc. Dans les départements plus ruraux, les bons scores de Marine Le Pen ont entraîné une mobilisation plus forte au second tour en faveur d’Emmanuel Macron, comme à Saint-Jean-de-Braye (Loiret) ou encore Soyaux (Charente).

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