Quand l’habitat innove, avec le concours des collectivités

Séverine Cattiaux
Quand l’habitat innove, avec le concours des collectivités

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© Frédérique Bertrand

Que ce soit pour construire moins cher et plus rapide, pour sortir des quartiers de la nasse de la pauvreté ou pour changer de mode de construction, le logement social évolue. Maisons à un euro, tours en bois à énergie passive, maisons imprimées en 3D, les bailleurs sociaux et opérateurs d’habitat publics se sont lancés, en France, dans de nombreuses opérations innovantes. Petit tour d’horizon aux trois coins de la France.

Dans le secteur du logement, accrochez-vous, on change d’époque. Zoom sur trois expériences avant-gardistes : la maison à 1 euro, la maison imprimée et la plus haute tour de logement social construite en bois.

À Nantes, la première maison imprimée en 3D

Dans le quartier Bottière à Nantes, sera livrée en janvier prochain Yhnova, une maison d’habitat social de 95 m2, comprenant cinq pièces. Son originalité : le gros œuvre de sa structure a été construit en seulement six jours, en septembre dernier, grâce à la technologie révolutionnaire Batiprint 3D.

Ce qui fait d’Yhnova l’une des toutes premières maisons construites dans le monde par une imprimante 3D industrielle. La technologie est brevetée par l’université de Nantes. Cette technologique extrêmement rapide est aussi très efficace : l’imprimante dépose une triple paroi coffrante, isolante et structurante, tout en construisant les murs de la maison. Moins polluante pour la planète (moins d’intrants venant de loin), la construction clé en main par l’imprimante épargne au voisinage le va-et-vient des camions de chantier.

Moins polluante pour la planète, la construction clé en main par l’imprimante épargne au voisinage le va-et-vient des camions de chantier.

« L’impression 3D est très adaptée pour un quartier dense » commente Luc Stéphan, directeur de l’innovation de Nantes Métropole Habitat, le bailleur partenaire de l’opération, également propriétaire du foncier et désormais gestionnaire de la maison. Coût d’Yhnova ? 195.000 euros HT, intégrant les frais de développements spécifiques. « Mais on voit des pistes d’économies pour l’avenir de 15 à 20 % sur les postes constructifs. Une évaluation financière est en cours » annonce Bruno Westeel, responsable de la communication de la Société d’accélération du transfert de technologies, autre partenaire de l’expérimentation, avec également la Caisse des dépôts, Bouygues construction…

Le permis de construire pour Yhnova a été déposé comme pour toute autre maison. Le procédé constructif a été validé par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), « qui a accordé une autorisation temporaire ». La maison répond aux normes d’isolation thermique RT 2012-20 %. Après une période de trois mois d’observation et de visites, Yhnova accueillera ses premiers locataires. « C’est une maison tout à fait normale, assure Luc Stéphan, à ceci près qu’elle sera dotée de multiples capteurs et équipements de domotique afin d’évaluer et analyser le comportement des matériaux, la qualité thermique et acoustique, durant la première année de mise en service ». D’autres pavillons imprimés en 3D sont-ils sur les rails ? « On pense à Yhnova 2, mais sur un ou deux étages » confie le directeur.

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À Roubaix, des maisons vendues à un euro

La crise économique, le chômage et ses effets délétères frappent durement certaines villes, qui se paupérisent. Par suite, les maisons se vident, se dégradent peu à peu, comme à Roubaix, entraînant tout le quartier dans une spirale négative. S’inspirant de l’expérience de la ville anglaise de Liverpool, en l’occurrence de son programme « Houses for one pound » (152 maisons concernées), la commune de Roubaix met en vente dix-huit maisons abandonnées, construites dans les années trente, pour 1 euro chacune. Elles sont situées dans le quartier du Pile, un secteur en renouvellement urbain. Le but de la manœuvre ? « Favoriser l’accession à la propriété [pour] réintroduire […] de la mixité sociale en enrichissant l’offre de logements de qualité dans l’ancien » analyse Vincent Bougamont, directeur de la société publique locale d’aménagement (SPLA) La Fabrique des quartiers, l’organisme à qui la ville et la métropole européenne de Lille (MEL) ont confié la coordination des opérations.

Les acheteurs devront entreprendre des travaux (toiture, portes et fenêtres, circuit électrique et d’eau…), prescrits par la SPLA à qui a été confiée l'opération.

Pour écarter marchands de sommeil et spéculateurs, Roubaix a posé ses conditions. Pour candidater, à compter de janvier 2018, il faut être primo-accédant, et de préférence Roubaisien ou travaillant à Roubaix, et bien entendu entreprendre des travaux dans la maison (toiture, portes et fenêtres, circuit électrique et d’eau…). Ces derniers seront prescrits par les diagnostics diligentés par La Fabrique des quartiers, qui suivra par ailleurs les chantiers. Selon leur niveau de ressources, les futurs propriétaires vont bénéficier d’aides proposées dans le cadre des opérations programmées de rénovation de l’habitat (Opah) ou des programmes d’intérêt général (PIG). À la toute fin, un propriétaire devrait verser de sa poche entre 50.000 et 100.000 euros par maison, et ce, pour le montant des travaux, selon la SPLA.

Vincent Bougamont précise : « Il s’agit de maisons de tailles variables pour que l’expérimentation puisse porter sur des profils d’habitants différents (jeune couple, famille avec un ou plusieurs enfants…) ». Les futurs habitants s’engagent à occuper pendant six ans leur habitation. Pour les finances publiques (Anru, MEL, région et ville de Roubaix), l’effort consenti pour cette opération se chiffre à 758.000 euros, dont 290.000 euros pour l’acquisition des dix-huit demeures, 99.000 euros pour les travaux préalables (sécurisation, désamiantage quand nécessaire…) et 369.000 euros pour l’accompagnement du dispositif, y compris les études préalables et le suivi des chantiers, soit environ 42.000 euros par maison.

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À Grenoble, la plus haute tour de logement social en bois

Dans le nouvel écoquartier Flaubert à Grenoble, le bailleur Actis, présidé par le maire de Grenoble Éric Piolle (EELV), s’est lancé le défi de construire le premier immeuble sur neuf niveaux en structure bois, et en zone de risque sismique élevé. Son nom : le Haut Bois. Les investissements en R&D sont importants, car la volonté est « de travailler sur un modèle économique pérenne » déclare Stéphane Duport-Rosand, directeur général d’Actis. Le projet vise le label « Passiv Haus » décerné aux logements neufs dont les besoins en chauffage sont inférieurs à 15 kWh/m²/an.

Les 56 logements vont en outre bénéficier du triple vitrage, de la ventilation double flux collectif et de charges peu élevées. Car les besoins en énergie devraient être satisfaits simplement en préchauffant l’air de la ventilation l’hiver, et en la pré-rafraîchissant l’été. « Il n’y a aucun élément technique de chauffage dans les logements, pas de radiateurs, pas de planchers chauffants, seulement un simple bouton de consignes de température qui assure le confort » souligne Vincent Pierré, ingénieur thermicien en stratégie énergétique, gérant de Terranergie.

Le projet vise le label « Passiv Haus » décerné aux logements neufs dont les besoins en chauffage sont inférieurs à 15 kWh/m²/an.

« On va réellement impacter la vie économique des gens » poursuit l’architecte Jacques Félix-Faure. Le Haut Bois répond enfin à la problématique des îlots de chaleur (ces zones d’habitat dense où la température élevée le jour ne baisse pas la nuit) qui concernent de nombreuses grandes villes de l’Hexagone, a fortiori dans le Sud. Avec le réchauffement climatique, il devient impérieux de construire des habitats vivables, en particulier pour les personnes fragiles. Le Haut Bois répond à cet objectif, et doit parvenir à maintenir une atmosphère vivable à l’intérieur de l’habitat, sans recours à la climatisation. « La structure est certes un peu plus chère (coût du projet : 10,34 millions d’euros TTC dont 1,4 de subventions NDLR), mais elle a un impact environnemental bien moindre » note Jacques Félix-Faure. Concernant le matériau bois, les 1 500 m3 utilisés seront autant que possible locaux (label « Bois des Alpes »). Côté esthétique de l’immeuble, le bois apparent ayant la fâcheuse tendance de noircir avec les années, sera limité. Toiture et façades seront en grande partie recouvertes d’une couche de zinc. La livraison du Haut Bois est attendue pour le deuxième trimestre 2019.

Lire aussi : Logement : la métropole grenobloise construit une vision partagée

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