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Groupements hospitaliers de territoire : trois ans après, l'Igas dresse un bilan plutôt positif

L'Inspection générale des affaires sociales dresse un "bilan d'étape" d'une réforme majeure pour l'organisation du système hospitalier : la création de 135 groupements hospitaliers de territoires (850 hôpitaux). Instances de gouvernance, place des élus,  projets médicaux partagés, association avec le secteur médicosocial, mutualisation, situation financière... malgré certaines faiblesses et résultats contrastés, le modèle des GHT s'avère prometteur. Et devrait donc être consolidé.

Créés par loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (loi Touraine) et rendus obligatoires dès juillet 2016 (voir nos articles ci-dessous), les groupements hospitaliers de territoires (GHT) se sont mis en place à marche forcée. La démarche, qui couvre tout le territoire, a abouti à la création de 135 GHT regroupant, dans des configurations très variables, les 850 hôpitaux français (voir notre article ci-dessous du 6 juillet 2016). Plus de trois ans après, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dresse un "bilan d'étape" de cette réforme majeure pour l'organisation du système hospitalier, relancée par la récente loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

L'échec du comité territorial des élus locaux

La rapport dresse, dans l'ensemble, un bilan plutôt positif de la mise en place des GHT. Certes, l'Igas confirme que "les périmètres des GHT sont très disparates en termes de population couverte, de nombre d’établissements et d’étendue géographique". Mais ces disparités ne posent pas problème dans la plupart des cas et ne sauraient justifier une révision générale des périmètres des GHT. En revanche, certaines situations locales contrecarrent les objectifs assignés aux GHT et nécessiteraient des mesures correctives

Le rapport se montre également très positif sur les instances de gouvernance des GHT – le comité stratégique, le collège médical ou la commission médicale de groupement (CMG), la commission de soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques (CSIRMT) – et l'Igas indique n'avoir pas constaté de tensions entre les équipes dirigeantes et la communauté médicale dans les établissements dans lesquels elle s'est déplacée. Une exception toutefois à ce tableau de la gouvernance : "le comité territorial des élus locaux (CTEL) reste, sauf exception, peu actif et globalement limité à une instance de partage d’informations". Une situation toutefois prévisible si on veut bien se rappeler comment les élus ont été volontairement écartés de la gouvernance des GHT, malgré les protestations – trop tardives – de leurs associations (voir nos articles ci-dessous). L'Igas estime que "les élus doivent donc être davantage associés pour partager les enjeux sensibles du GHT, notamment la recomposition de l’offre de soins, qui nécessite une pédagogie active et impose de les consulter".

Une articulation encore insuffisante avec le médicosocial et la médecine de ville

Autre élément clé, qui structure les GHT : les projets médicaux partagés (PMP). Sur ce point, l'Igas juge que "les PMP adoptés en 2017 sont globalement de qualité?". Mais, à l'usage, le rapport relève néanmoins "des limites à la portée de ces projets" : articulation insuffisante avec les projets de soins partagés (PSP), association inégale avec le secteur médicosocial, ouverture sur l’offre de ville qui "reste souvent faible dans l’attente d’une structuration de la gouvernance des acteurs libéraux dans les CPTS" (communautés professionnelles territoriales de santé), même si elle se traduit dans la mise en œuvre d'outils numériques et de portails d’information partagée. Résultat : "deux ans et demi après leur adoption, donc à mi-parcours, le bilan des PMP reste contrasté. Il conviendrait qu’une évaluation en soit faite dans chaque GHT avant d’élaborer de nouveaux projets".

La mutualisation progresse elle aussi trop lentement. Celle des ressources en médecins dépend fortement des tensions locales de la démographie médicale et "a des effets variables". La situation est plus hétérogène encore sur la mutualisation des fonctions supports, notamment en raison du manque de convergence des systèmes d'information, l'ambition se limitant souvent à parvenir à une interopérabilité des applications. Conséquence de cette situation : "Le dossier patient unique, important pour coordonner l’exercice médical au niveau du territoire, paraît un objectif en général très lointain", puisque "des délais de 5 à 10 ans sont évoqués". En matière de mutualisation, seul le domaine des achats paraît bien avancé.

Les GHT de 2016 font nettement mieux que les CHT de 2009

Enfin, en termes budgétaires et financiers, le rapport constate que "la situation financière très dégradée de certains établissements supports [établissements autour duquel s'articule le GHT, généralement le CHU ou un gros CHG, ndlr] leur interdit globalement de jouer le rôle moteur que leur assigne la réglementation et pourrait nécessiter, sous condition d’une trajectoire de redressement, un accompagnement financier spécifique avec un objectif de consolidation du haut de bilan".

En conclusion, et à travers une vingtaine de propositions, l'Igas préconise de consolider le modèle agrégatif du GHT actuel, en élargissant ses compétences et en allégeant sa gouvernance. Cela "permettrait de donner un nouvel élan aux GHT, afin de poursuivre et d’amplifier des résultats, qui bien qu’incomplets et inégaux, sont en trois ans très supérieurs à ceux que les CHT [communautés hospitalières de territoire, ndlr] antérieures présentaient sept ans après leur instauration en 2009". Dans un scénario bis, plus offensif et de moyen terme, l'Igas propose aussi d'envisager un GHT qui serait une personne morale unique. Une fusion progressive des établissements participant au GHT apparaissant trop longue et trop complexe pour y parvenir, le rapport préconise d'étudier la possibilité? de créer un "établissement public de santé territorial", qui se substituerait en une fois aux établissements parties.

 

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