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Taux historiquement bas : France Stratégie recommande d'investir dans la transition écologique

La France pourrait profiter des niveaux très bas des taux d'intérêt pour investir. Dans sa note "Taux bas : quelles implications pour la politique budgétaire" publiée le 5 mars, France Stratégie propose deux pistes : les investissements avérés rentables, et les investissements liés à la transition écologique, pour réaliser de manière anticipée la Stratégie nationale bas carbone.

 

Les niveaux très bas des taux d'intérêt actuels pourraient être une occasion pour la France d'effectuer les investissements nécessaires à la réalisation de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) de manière anticipée par rapport à la trajectoire prévue. C'est le conseil émis par France Stratégie dans une note intitulée "Taux bas : quelles implications pour la politique budgétaire", publiée le 5 mars 2020. La situation budgétaire de la France (niveau de dette record, tant publique que privée, prélèvements obligatoires et dépenses publiques élevées) réduit ses marges de manoeuvre. Entre la tentation de laisser filer la dette publique ou celle, au contraire, de s'engager dans une réduction à marche forcée, l'organisme rattaché au Premier ministre préconise une piste médiane : réduire plus lentement la dette tout en profitant des taux d'intérêt très bas pour investir dans la transition écologique, via un fonds d'investissement dédié, sur le modèle du Programme d'investissements d'avenir (PIA), à travers des canaux de financement adaptés (subventions, fonds propres, garantie d'emprunt, etc.). Ce fonds serait alimenté par une partie des économies réalisées sur les charges d'intérêts.
L'idée serait de procéder à la fois à des investissements et dépenses dont la rentabilité financière est avérée mais aussi à des investissements nécessaires à la réalisation de la SNBC.

Doter le Cnous de 2,4 milliards d'euros supplémentaires

Si les investissements de premier type, rentables, ne "sont sans doute pas légion en France", comme le signale France Stratégie, "il serait malvenu de ne pas les financer". Exemple : une dotation supplémentaire de 2,4 milliards d'euros au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) permettrait de financer la construction de 200.000 logements étudiants. La réduction de loyer des étudiants bénéficiaires se traduirait par une baisse des allocations logement et donc par une économie pour la collectivité qui rembourserait l'investissement initial en cinq à sept ans, d'après les calculs du Conseil d'analyse économique cités par France Stratégie. A l'heure actuelle, la France dépense environ 1,5 milliard d'euros en allocations logement pour 880.000 étudiants bénéficiaires, soit plus d'un étudiant sur trois. Les nouveaux logements permettraient de faire passer le taux des étudiants logés en résidence à loyers modérés de 10% à 20% environ. Autres exemples de ce type d'investissements : la formation des individus, la modernisation numérique des administrations, l'entretien et la maintenance d'infrastructures publiques.

Remplacer sa flotte de véhicules

Le deuxième type d'investissements, liés à la transition écologique, serait plus conséquent. "La lutte contre le changement climatique requiert des investissements supplémentaires importants, évalués à environ 1 point de PIB", précise la note. Et même si seule une fraction de ces investissements nécessiterait un financement public, cette fraction risque d'être élevée... Parmi ces investissements : les dépenses de rénovation thermique des bâtiments. Elles permettraient de réduire la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Chaque année, des moyens publics importants (autour de 1,6 milliard d'euros en crédits budgétaires et 2,3 milliards en dépenses fiscales pour la seule rénovation énergétique des logements) y sont consacrés. Mais une hausse de près d'un tiers des investissements annuels de la nation (publics et privés) serait nécessaire pour atteindre les objectifs de la SNBC sur la période 2024-2028, d'après France Stratégie.
D'autres investissements liés à la transition écologique sont envisageables, même si non rentables financièrement. Car ceux-ci permettraient de réduire les émissions de CO2. Or, "par définition, toute dépense qui réduit les émissions de CO2 à un 'coût d’abattement' inférieur à la valeur tutélaire* est rentable pour la collectivité", précise France Stratégie. Parmi eux : la possibilité pour une collectivité publique de remplacer sa flotte de véhicules thermiques par des véhicules électriques.

Pouvoir interrompre la stratégie en cas de remontée des taux

France Stratégie souligne toutefois la difficulté, au-delà de l'aspect financier, de "déclencher une vague d'investissements" de ce type. Au cœur des problèmes : une méconnaissance des ménages de la rentabilité de la rénovation thermique de leur logement, un manque de notoriété et un éparpillement des dispositifs d'accompagnement technique et financier, un horizon de rentabilité trop lointain, une évolution du prix de l'énergie très incertaine…
France Stratégie souligne enfin les conditions de mise en œuvre d'une telle stratégie d'investissements : des critères de sélection rigoureux et transparents pour s'assurer des économies réalisées par rapport à l'augmentation de la dette provoquée, et la définition de conditions macroéconomiques qui, une fois réunies, conduiraient à interrompre cette stratégie, en cas notamment de remontée des taux.
 
*Le calcul de la rentabilité pour la collectivité, ou rentabilité socioéconomique, consiste à mesurer et valoriser l’ensemble des effets attendus des investissements, en allant au-delà des effets purement monétaires, pour toute la collectivité, en y intégrant les agents qui ne sont qu’indirectement affectés. Elle intègre dans le calcul, par exemple, les réductions des émissions de gaz carbonique, l’amélioration de la santé ou la réduction de la congestion en leur attribuant une valeur monétaire. Le but est de déterminer si les gains pour la collectivité surpassent les coûts engendrés pour les obtenir.