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Centre-ville, friches, e-commerce : les maires face à la nouvelle donne commerciale

Vitrine de l'action municipale, enjeu de campagne, la politique commerciale mobilise autant qu'elle divise. Bon nombre de maires ont pris le taureau par les cornes, encouragés par le programme gouvernemental Action coeur de ville. Mais l'enjeu de la prochaine mandature sera aussi celui du devenir des périphéries commerciales face à la montée des ventes en ligne.

Les images de ces villes moyennes aux rues plombées par une succession de rideaux de fer baissés ont marqué les esprits.
Les images de ces villes moyennes aux rues plombées par une succession de rideaux de fer baissés ont marqué les esprits. (Photo Brian Reynaud/REA)

Par Laurence Albert, Laurent Marcaillou

Publié le 6 mars 2020 à 09:20Mis à jour le 6 mars 2020 à 10:13

« Je veux avoir le plaisir de couper le ruban. » Homme d'affaires reconnu, ancien parlementaire rompu à l'exercice des mandats locaux, André Trigano remettra, le 15 mars, l'ouvrage sur le métier. A quatre-vingt-quatorze ans, le maire sortant de Pamiers (Ariège) veut son cinquième mandat. Celui qui lui permettra de rénover enfin le centre-ville, pour lequel il a obtenu 20 millions d'euros d'aides. Et qu'importe si ses adversaires l'accusent, au contraire, d'avoir laissé le centre-ville s'étioler pendant des années…

De Vierzon à Nancy, en passant par Périgueux, le commerce s'impose comme un thème phare des municipales. « Longtemps, les commerçants ont été des oubliés de la politique municipale, mais, dans cette campagne, 80 % des candidats en parlent », estimait Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France lors d'une récente rencontre de l'Association des journalistes PME (AJPME).

Le bâton et la carotte

Emploi, attractivité, mobilité… Vitrine de l'action municipale, le commerce en reflète aussi les limites. Les images de ces villes moyennes aux rues plombées par une succession de rideaux de fer baissés ont marqué les esprits. Depuis 2018, leprogramme gouvernemental Action coeur de ville, destiné à revitaliser 222 communes, a remis les édiles au centre du jeu. « Dans ce programme, le patron, c'est le maire ! Sa personnalité, son dynamisme comptent beaucoup ; plus, d'ailleurs, que son appartenance politique. Certains sont très volontaristes pour faire revenir des commerces… ou en dissuader d'autres », observe Olivier Sichel, le directeur de la Banque des Territoires, fer de lance du programme.

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Mais un bon carnet d'adresses, la nomination d'un manager de centre-ville ou un projet d'embellissement s'avérant rarement suffisants, les élus ont aussi appris à manier le bâton et la carotte. Paris préempte pour lutter contre la mono-activité. Chalon-sur-Saône, Cosne-Cours-sur-Loire, Vierzon, Mâcon ou Belfort ont créé des foncières. A Nancy, la nouvelle société d'économie mixte créée par la Métropole, la Caisse des Dépôts (CDC) et des banques a racheté, fin février, deux immeubles jouxtant la place Stanislas.

La question des baux

La loi Elan a aussi créé une palette d'outils déployables dans le cadre des opérations de revitalisation des territoires (ORT) : renforcement du droit de préemption, dispenses d'autorisation commerciale. Une taxe sur les friches commerciales peut être activée pour inciter les propriétaires à louer. « Cette question des baux est déterminante. Quand les loyers dérapent ou qu'il y a trop de baux précaires, les commerçants n'y arrivent pas », rappelle Michel Bourel, PDG de Cavavin et président de la Fédération française de la franchise. Il arrive que les élus soient pris à leur propre piège. « Lorsque nous avons fait remarquer à Foncia qu'augmenter les loyers de 300 % n'était pas normal, ils nous ont rétorqué que nous n'avions qu'à pas embellir autant la ville ! » se désole Sylvie Bléry-Touchet, adjointe au commerce à Sceaux.

Les coeurs de ville ne sont pas les seuls à souffrir. Longtemps accusées de dépeupler les centres, les périphéries commerciales, bâties à un rythme frénétique, parfois au mépris de la réalité des zones de chalandise, vacillent aussi. La vacance y progresse aussi fortement qu'en centre-ville, et certains hypermarchés se vident. A défaut de susciter la même mobilisation affective que les centres-villes, ces zones pourraient devenir une épine dans le pied des élus. Déjà, certains gèlent les autorisations d'implantation, comme la loi Elan les y autorise. « Le temps où les commissions départementales d'aménagement commercial n'étaient qu'une machine à dire oui est révolu », observe un connaisseur.

Essor de l'e-commerce

La loi NOTRe a également mis en sourdine la compétition féroce que se livraient les élus pour attirer sur leur commune les grandes surfaces, pourvoyeuses d'emploi et de fiscalité. Les gros dossiers commerciaux se règlent désormais à l'échelle intercommunale. « Cela permet d'opérer de nécessaires rééquilibrages et réorganisations, et il faudrait peut-être aller plus loin, vu l'ampleur de la révolution commerciale qui se profile », estime Pascal Madry, le directeur de l'Institut pour la ville et le commerce.

« Continuer àopposer centre-ville et périphérie, indépendants et franchises, petits commerces et grandes enseignes, est obsolète. Pour les élus, les vrais défis du commerce sont ailleurs, dans ces évolutions majeures que constitue l'e-commerce, l'arrivée des logisticiens, le commerce sans magasin, voire sans vendeur », détaille-t-il. Un commerce « invisible », que peu d'élus intègrent encore dans leur politique, mais qui pourtant, déjà, transforme l'espace public (drive, consignes…) et les mobilités. Sans compter que cette concurrence risque d'exacerber inquiétudes et revendications concernant les horaires d'ouverture des commerces traditionnels. Les élus sauront-ils se positionner ? « Il faut qu'ils aient une vision encore plus précise de leur politique commerciale » estime Pascal Madry. Et, ajoute Michel Bourel, « sans doute davantage de réactivité et de capacité d'anticipation ».

Laurence Albert

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