La campagne : rester, partir, revenir

Nouvelle édition de «Nos géographies », désormais chaque jeudi soir à 21h.

Pour cette deuxième émission, il sera question de géographie rurale. Attention à cet adjectif, trop souvent résumé à la fonction agricole, il s’applique à tout l’espace organisé par ceux qui vivent hors des villes, ce qui ne veut pas dire contre elles, comme on va le voir. Rural est un adjectif qui qualifie tout ce qui concerne la vie dans les campagnes, son économie, son habitat, ses changements parfois radicaux, l’adhésion ou l’abandon.

Nous en parlons avec Pierre Cornu, historien de la géographie rurale, Pierre-Marie Georges, docteur en géographie, chercheur associé au Laboratoire d'Études Rurales de l'Université Lumière Lyon 2, et responsable "Stratégie et Pôle média" au sein de l' Association des maires ruraux de France et Benoît Coquard, sociologue à l’Institut de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), auteur de Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin aux éditions la Découverte (au téléphone).

Il est important de dire d'emblée que la géographie est une discipline née sur une prise de risque considérable, d'essayer dans une époque où les sciences se subdivisaient, se spécialisaient, de maintenir un discours général sur l'homme dans son espace capable d'intégrer à la fois les caractéristiques physiques de l'espace et les caractéristiques sociales et que la géographie n'a cessé de payer le prix de ce pari initial. (...) La géographie a toujours eu un petit peu de peine à dialoguer avec d'autres disciplines ou à rentrer en compétition avec d'autres disciplines, comme par exemple la sociologie ou la science politique pour penser la société. Pierre Cornu

La géographie reste une discipline qui est peut-être méconnue par son mode d'enseignement dans le secondaire, assurée essentiellement par des historiens, mais la géographie, quand elle renvoie aux questions de rapport à l'espace et du quotidien, parle à tout le monde. Je crois qu'on est plutôt dans une époque où, malgré les illusions de nos mobilités permanentes, les questions d'ancrage reviennent de plus en plus centrale dans nos modes de vie et qu'elle réhabilite un questionnement sur le rapport à l'espace. Pierre-Marie Georges

D'un côté, on s'autorise à aller de plus en plus loin pour tout ce qui est de la vie quotidienne. Mais de l'autre côté, on se sent aussi un peu tenu par cette idée qu'il faut toujours parcourir davantage de kilomètres pour tout ce qui touche, par exemple, à l'éducation des enfants, et les services publics de proximité sont de moins en moins de proximité. Et, bien sûr, l'accès à un travail stable. Tout ça nécessite notamment de faire davantage de kilomètres en voiture et dans le budget des jeunes couples que j'ai rencontrés et que je suivais pendant plusieurs années, c'était souvent la goutte d'essence qui faisait déborder le budget. On s'est endetté pour avoir une maison à la campagne et la propriété individuelle, on y tient beaucoup. C'est d'ailleurs là qu'on reçoit ses amis et sa famille. Mais n'empêche qu'il faut mettre de l'essence dans les deux voitures. Benoît Coquard

Etre né quelque part ?

Oui, avec beaucoup de revendication et de fierté. J'aime à rappeler que je suis né dans les Vosges et que ça a forgé, d'une certaine façon, une forme d'attachement aux espaces ruraux. (...) Je crois qu’aujourd'hui, ce qui redéfinit les formes d'appropriation nouvelles de l'espace rural, c'est cette sensibilité aux lieux qui passe bien entendu par l'écologie, mais aussi par les paysages et les capacités d'interagir avec la société locale. Il y a une dimension de l'attachement qui est très importante. Pierre-Marie Georges

J'aurais plutôt envie de vous répondre que je suis arrivé quelque part. Je suis né à Dijon en 1969. J'ai vécu dans un espace péri-urbain hybride entre la côte des vins, les champs de betteraves et puis des lotissements. Mais ma trajectoire a plus de signification sur le point d'arrivée, sur la découverte des hauteurs du Massif central, dans mes tout premiers travaux d'étudiant, dans le fait que je me suis marié dans un pré du plateau Vivaro-Vellave et que, cohérent avec moi-même, je vis dans une commune de 850 habitants depuis presque trente ans, avec des vaches sous mes fenêtres, une forêt, une rivière, un train à voie unique et puis des connexions internet assez intermittentes…. Pierre Cornu

• Pour en savoir plus 

"Ancrage et circulation des pratiques artistiques en milieu rural : des dynamiques culturelles qui redessinent les ruralités contemporaines" ( Thèse de Pierre-Marie Georges)

• Extraits musicaux

"Get With Itness" issu de "The Goutelas suite" composée par Duke Ellington

« Les Oubliés » de Gauvain Sers

Extrait d'Agora : des faubourgs à la banlieue - entretien avec Robert Doisneau