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Transports publics : bientôt le bout du tunnel ?

La Semaine du transport public qui se déroulera du 16 au 22 septembre dans plus de 120 réseaux revêtira cette année une connotation très particulière, crise sanitaire oblige. Pour les organisateurs, l'enjeu sera de faire revenir tous les voyageurs qui ont délaissé les transports en commun par crainte du Covid-19. Malgré l'ampleur et le caractère inédit de la crise, autorités organisatrices et opérateurs reprennent espoir. Ils se disent prêts à tirer les leçons de cette crise en s'adaptant à l'évolution des usages et misent sur le plan de relance pour les y aider. Ils espèrent aussi obtenir en régions le même dispositif de soutien au fonctionnement des transports que celui conclu entre l'État et Île-de-France mobilités ce 8 septembre.

Pour sa 14e édition, la traditionnelle Journée du transport public s'est muée cette année en Semaine du transport public. Du 16 au 22 septembre, plus de 120 réseaux - régionaux et urbains -, vont participer à la démarche, destinée à redorer le blason de transports en commun touchés de plein fouet par la crise liée au Covid-19. "Les transports publics ont toujours répondu présent et garanti la sécurité sanitaire de leurs personnels et des voyageurs mais, malgré cela, la défiance s'est installée du fait notamment de la promiscuité", a expliqué ce 9 septembre Anne Gérard, présidente du GIE Transport public, co-organisateur de la Semaine avec le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). "On a pris une gifle épouvantable avec le Covid. (...) On s'est retrouvé dans une situation dans laquelle les gens avaient peur de prendre les transports en commun", a rappelé Louis Nègre, président du Gart. Le choc a été d'autant plus rude que les transports en commun avaient le vent en poupe.

Lente remontée de la fréquentation

Pendant le confinement, l'offre de trains ou de bus s'élevait à 30% avec une fréquentation qui oscillait entre 5% et 10% du trafic normal. L'offre est passée de 30 à 70% quelques semaines après le déconfinement et la fréquentation est remontée progressivement à 20-30% avant d'atteindre les 40-50% fin juin. Selon Thierry Mallet, président de l'UTP, le taux de fréquentation est aujourd'hui de 60 à 80%, la prévision étant de revenir à un niveau de 80-90% à la fin de l'année. Mais de nouvelles habitudes se sont installées. Télétravail, essor du vélo et de la marche à pied pour les trajets courts, recours à la voiture individuelle par peur de la contamination, la désaffection est réelle. "Tout le monde n'est pas revenu, l'enjeu majeur est de retrouver la confiance des voyageurs", a souligné Anne Gérard.
Les villes très touristiques, où l'emploi tertiaire est important ou avec beaucoup d'étudiants, sont encore à la traîne, comme Paris : la fréquentation en Île-de-France peine à dépasser les 60%, avec de très fortes disparités selon les lignes, en fonction des zones desservies. En province, les principaux opérateurs Keolis et Transdev l'estiment à plus de 75% : on va actuellement, selon des chiffres recueillis par l'AFP, de 75% à Lille et Nice, à 75/85% à Rennes, 85% à Bordeaux et Lyon, plus de 90% à Mulhouse et jusqu'à 100% à Dunkerque.

Une nouvelle donne

Les opérateurs mettent en avant les efforts importants faits sur le nettoyage et la désinfection des matériels. Selon eux, les transports publics sont sûrs à partir du moment où tout le monde porte un masque et garde son flacon de gel hydroalcoolique à portée de main. "Le transport n'est pas un lieu de contamination. La contamination se passe ailleurs", a assuré Thierry Mallet. Pour la suite, "il faudra qu'on attende d'avoir un peu plus de recul pour voir qui revient et qui ne revient pas", a noté le président de l'UTP. En attendant, "ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle, le fait d'avoir un petit peu moins de monde", a-t-il pointé.
Selon lui, un retour à la normale dans les transports pourrait prendre au moins deux ans. "Mais je pense que nous n'allons pas revenir à la même normale", a-t-il ajouté aussitôt. Les transports publics auront dès lors à s'adapter à la nouvelle donne née de la crise sanitaire : les heures de pointe pourraient être moins marquées - et moins pénibles - si les journées de travail restent plus flexibles et si les mobilités douces continuent à se développer pour les petits trajets. "Et si, éventuellement, il y a des endroits où il y a moins de monde, et bien redéployons l'offre" avec par exemple une meilleure desserte des zones périphériques.
Dans ce contexte, le plan de relance, avec 1,2 milliard d'euros supplémentaires pour les "mobilités du quotidien" est accueilli très favorablement par les acteurs des transports publics pour financer de nouveaux projets et adapter leur offre.

Accord sur le financement des transports en Île-de-France

Après une concertation étroite menée sous l’égide du ministre délégué chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, le Premier ministre, Jean Castex, et Valérie Pécresse, présidente d’Île-de-France Mobilités (IDFM) ont signé ce 8 septembre un protocole d'accord pour un soutien financier de l'État au fonctionnement des transports franciliens pour toutes les pertes subies en 2020 en raison de la crise sanitaire. IDFM a estimé ces pertes à 2,6 milliards d'euros, soit 26% de ses recettes annuelles. Le soutien de l'État va s'effectuer à deux niveaux, a expliqué le ministère des Transports dans un communiqué. Pour les pertes subies au titre de la moindre perception du versement mobilité liée au chômage partiel dans le confinement, le Parlement a voté, dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, une compensation financière au bénéfice d’IDFM. Un premier acompte de 425 millions d’euros versé cette semaine à l'autorité organisatrice doit lui permettre de reprendre l’ensemble des paiements aux sociétés de transports interrompus début juillet (voir notre article). Le solde de la compensation au titre de 2020 sera versé au plus tard en 2021, pour un montant total estimé entre 700 et 980 millions d’euros.
Pour les pertes subies au titre de la baisse des recettes de billets payés par les voyageurs à l’occasion de la crise sanitaire, l’État versera une avance remboursable. "Cette avance permettra à IDFM d’en couvrir provisoirement les pertes, avant d’en assumer la charge, explique le ministère. Le dispositif sera mis en place dans le cadre de la prochaine loi de finances rectificative pour 2020." Le montant de cette avance remboursable est estimé à ce jour entre 1,175 et 1,455 milliards d’euros, a-t-il précisé.
"Au total, ajoute le ministère, l’État s’engage ainsi sur un soutien immédiat de plus de 2 milliards d’euros, complété de près de 700 millions d’euros pour accélérer les investissements de modernisation des transports franciliens dans le cadre du plan France Relance : par exemple, l’extension du RER E à l’ouest, la modernisation du tronçon central des RER B et D, l’accélération des projets de tramway (T3, T1) et de nouvelles lignes de bus à haut niveau de service (TZen 2 et 3), etc."
"La mobilisation de l’État et du gouvernement permet, grâce à ce protocole, de garantir que le prix des titres de transport n’augmentera pas, du fait de la crise sanitaire, pour les Franciliens et de préserver la capacité d’investissement d’Île-de-France Mobilités, pour continuer à améliorer l’offre de transports dans la région", a déclaré Jean Castex, cité dans le communiqué. "C'est un moment historique", a réagi pour sa part Valérie Pécresse auprès de l'AFP. "On a frôlé la catastrophe, donc c'est un immense soulagement", a-t-elle ajouté, rappelant que les négociations avaient été âpres avec l'exécutif. "Les voyageurs ne seront pas appelés à payer le prix de la crise Covid, et nous ne freinerons aucun des nombreux projets d'investissement que nous avons dans les transports. (...) Nous ne baisserons pas non plus l'offre de transport", a souligné l'élue, également présidente de la région Île-de-France.
L'accord trouvé entre Île-de-France Mobilités et l'État doit être étendu aux transports publics dans les autres régions, ont plaidé les dirigeants de l'UTP et du Gart lors de la présentation de la Semaine des transports publics ce 9 septembre. "On a résolu la moitié du problème" , s'est réjoui Thierry Mallet, par ailleurs PDG de l'opérateur Transdev. "Il faut espérer que le modèle qui a été mis en place pourra être étendu à d'autres collectivités locales." "On va demander que ça fasse jurisprudence et que les solutions qui ont été appliquées pour l'Île-de-France le soient aussi pour la province", a ajouté Guy Le Bras, le directeur général du Gart.
Anne Lenormand / Localtis

 

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