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Du côté des maires aussi, la pression monte pour épargner les commerces de centre-ville

L'Association des maires de France et Villes de France ont apporté vendredi leur voix au concert de tous ceux qui demandent au gouvernement de revoir sa décision concernant la fermeture des commerces dits "non-essentiels". La survie d'une partie du commerce de centre-ville est en jeu, estiment les deux associations. Vendredi également, un certain nombre de maires ont pris des arrêtés municipaux autorisant l'ouverture des commerces non alimentaires de leur ville. Des arrêtés dont les préfets ont naturellement contesté la légalité.

Le sujet est sur toutes les lèvres depuis l'annonce du reconfinement. La plupart des petits commerces non-alimentaires et jugés "non-essentiels" ont dû fermer leurs portes jeudi soir tandis que la grande distribution continuera d'accueillir ses clients comme à l'accoutumée… et que rôde le spectre d'Amazon et consorts. Les représentants des commerçants ont évidemment été nombreux à réagir. Mais ce vendredi 30 octobre, ce sont aussi les représentants des élus locaux qui sont montés au créneau. Et en fin de journée, c'est l'Association des maires de France elle-même qui, dans un communiqué, a tenu à se faire l'écho de "l’incompréhension que suscitent" pour de nombreux maires "les mesures de fermeture qui visent certains commerces".
"Les critères ayant conduit à distinguer les commerces de première nécessité (…) et les autres, sont à l’évidence difficiles à justifier au regard de l’application qui en est faite concrètement", écrit l'AMF, qui estime que "certains commerces comme les librairies ou les salons de coiffure pourraient relever des services de première nécessité".
Les petites entreprises qui constituent le tissu du commerce de centre-ville "ne comprennent pas que des activités identiques aux leurs puissent être autorisées pour des entreprises de la grande distribution ou de la vente à distance", poursuit l'association. Son président et son premier vice-président délégué, François Baroin et André Laignel, demandent donc au gouvernement de "revoir rapidement la définition de commerce de première nécessité et de l’élargir".

La crainte d'un "bouleversement culturel a? long terme"

Dans la foulée, le même regret a été exprimé par Villes de France, qui représente les villes de 10.000 a? 100.000 habitants et leurs intercommunalite?s. L'association souligne que les commerçants de centre-ville ont "parfaitement respecte? les protocolaires sanitaires, tre?s stricts, qui leur e?taient impose?s" et "sont pre?ts a? en faire encore davantage si cela e?tait ne?cessaire". Villes de France craint que "le bouleversement culturel a? long terme que vont impliquer les changements d’habitudes" n'éloigne les consommateurs "des commerces de proximite? que le programme Action cœur de ville, lance? il y a deux ans, avait permis de dynamiser". D'où, là encore, un appel pour que le gouvernement "révise sa position". Villes de France "affiche sa disponibilite? pour trouver des solutions permettant, soit de rouvrir ces activite?s essentielles, soit a minima que les rayons des produits 'non essentiels' des grandes et moyennes surfaces soient ferme?s".

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé vendredi soir sur un créneau particulier, celui du livre et autres produits culturels. On avait appris que le groupe Fnac-Darty resterait ouvert. Ouverture initialement justifiée par la présence de ses rayons informatique et téléphonie (jugés "de première nécessité", surtout par temps de télétravail...). Incompréhension de la part des libraires. Le groupe faisait alors savoir dans la journée qu'il fermerait ses rayons culture pour les quinze prochains jours, "dans un souci de responsabilité". Et c'est ensuite le gouvernement qui a annoncé que tous les rayons livres et culture des grandes surfaces alimentaires et spécialisées seraient "momentanément fermés", par "souci d'équité entre grandes surfaces et les librairies indépendantes". Ceci après que les ministres Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot-Narquin ont réuni en conférence téléphonique les principaux représentants de la filière du livre et de la grande distribution.
Les deux ministres rappellent dans un communiqué que concernant les librairies, "le système de click and collect est possible et sera encouragé par des aides spécifiques". Et qu'ils réuniront "la semaine prochaine l'ensemble des acteurs de la filière du livre pour étudier avec eux les modalités d'une éventuelle réouverture des librairies, dans la perspective du point d'étape fixé par le président de la République".
La décision a à son tour suscité de nouvelles réactions, d'aucuns jugeant le remède pire que le mal - autrement dit qu'in fine, Amazon raflerait doublement la mise...

Vague d'arrêtés municipaux aussitôt retoqués

Pendant ce temps, toujours vendredi, on apprenait au fil de l'eau que plusieurs maires, de Perpignan à Chalon-sur-Saône en passant par Brive ou Aubusson, avaient pris des arrêtés municipaux autorisant l'ouverture des commerces non alimentaires de leur ville. En toute logique, plusieurs préfectures, comme celles de la Manche ou de Saône-et-Loire, ont très vite demandé aux maires en question de retirer leur arrêté "illégal" car en contradiction avec le décret régissant le reconfinement.
Selon Gilles Platret, le maire de Chalon-sur-Saône, "l'accumulation de clientèle, notamment aux caisses", dans les supermarchés et hypermarchés, où se vendent également des produits non essentiels, "va automatiquement générer une situation de nature à encourager la propagation de l'épidémie, là où il faut au contraire tout mettre en oeuvre pour la ralentir". "Des clients pouvant librement accéder à l'ensemble des petits commerces de la ville seront moins susceptibles de se contaminer", argumente-t-il.
Le maire d'Aubusson, Michel Moine, conteste, lui, "que la charge de la responsabilité de l'épidémie soit à ce point supportée par le commerce de proximité" : "Je ne peux me résoudre à l'éventualité qu'une ville comme Aubusson perde, en fin de confinement, la moitié ou plus de ses commerces", écrit l'élu de cette sous-préfecture (6.000 habitants) de la Creuse.
Le maire de Migennes (7.000 habitants, Yonne), François Boucher, est apparemment l'un des premiers à avoir pris une telle initiative. En dénonçant lui aussi une "rupture d'égalité de traitement". Le préfet de l'Yonne lui a demandé de "retirer son arrêté", rappelant dans un communiqué qu'un maire ne peut pas "prescrire par arrêté municipal des règles contraires à un texte de portée générale, pris par le gouvernement qui s'applique à l'ensemble du territoire".
Des démarches identiques ont par exemple été entreprises à Fresnay-sur-Sarthe (3.000 habitants), Barneville-Carteret (Manche, 2.500 habitants), Décize (Nièvre, 5.000 habitants) ou Malemort-sur-Corrèze (7.500 habitants). Dans des termes d'ailleurs généralement identiques pour chacun des arrêtés, comme si un "modèle" prêt à l'emploi avait circulé.