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Commerce spécialisé : la crise touche surtout les grands centres-villes, les plus petits s'en sortent mieux

Malgré une reprise rapide de l'activité au moment de la sortie du confinement, les magasins physiques accusent une baisse de 20% de leur chiffre d'affaires en cumulé depuis le mois de janvier 2020. Le bilan établi par Procos, la fédération pour la promotion du commerce spécialisé, publié le 22 octobre, relève notamment des disparités selon le type de territoires.

La sortie de confinement a autorisé une reprise rapide de l’activité du commerce physique, avec des soldes positifs pendant l’été en comparaison de 2019 : +3% de chiffre d’affaire au mois d’août, +0,6% en septembre. Mais d'après le bilan de Procos, la fédération pour la promotion du commerce spécialisé, publié le 22 octobre 2020, on était loin d'un rattrapage, puisque le solde cumulé depuis le mois de janvier est de -20%. 
Le peu de rattrapage se fait essentiellement grâce à la vente en ligne des enseignes, qui en septembre affichait + 42,3% par rapport à 2019. Mais le volume est trop faible, voire nul pour certains secteurs (optique, restauration), et les difficultés des magasins physiques restent de toute façon entières tant qu’il y a baisse de fréquentation. Sur ce point, chacun est évidemment plus ou moins impacté selon sa situation. 

Des disparités géographiques

Des différences induites par les règles sanitaires variables qui s’imposent selon les régions. Mais pas uniquement. Ce sont les grands centres-villes qui souffrent le plus : de -7% de fréquentation pour les petites villes à -30% pour celle de plus de 500.000 habitants. La crainte des zones trop denses, des transports en commun, fait fuir les consommateurs. Si l’on ajoute à cela l’effondrement du tourisme international, on ne s’étonne pas que Paris soit la ville la plus impactée : - 64% de fréquentation sur les Champs-Élysées, - 60% de chiffre d’affaires. 
Ce frein valable pour les zones denses nuit également aux grands centres commerciaux, qui accusent des baisses jusqu’à 28% de fréquentation, lorsque les petits centres de quartier n’encaissent que 10%. La crise sanitaire révèle en fait une plus grande résilience de secteurs géographiques qui d’ordinaire suscitent inquiétude ou vigilance : les centres de villes moyennes, auxquels se consacre le programme Action cœur de ville. 

Un modèle remis en cause ?

"Toutes nos activités sont basées sur la concentration", a rappelé Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, durant la conférence de présentation du bilan : centres commerciaux, métropoles, concentration des bureaux, lieux de loisirs... Concentration qui permet une meilleure captation des flux. Mais un modèle remis en question par la crise, le télétravail, les prises de conscience... Reste à voir si cette remise en cause sera durable. Préférant une France des lieux de vie à une France de l’efficacité logistique, Procos se dit prête à accompagner ces mutations, apprécie la récente initiative des "100 foncières" portée par la Banque des Territoires pour rénover les petits commerces, et encourage le développement des managers du commerce, encore trop peu nombreux. Mais pour envisager ces mutations, il faut commencer par traverser la tempête.

De l’arrangement ponctuel à la solidarité

"Il faut un état d’esprit volontaire et solidaire qui peut remettre en cause la façon classique de fonctionner", a souligné André Torjman, vice-président de Procos et dirigeant de deux chaînes de magasins culinaires. La fédération pointe un manque de réactivité des acteurs de l’immobilier commercial. Si des solutions se sont mises en place sur les baux commerciaux pour faire face aux fermetures qui ont eu lieu, elles sont insuffisantes : 40% des commerçants n’ont pas trouvé d’accord avec leur bailleur (représentant 55% des loyers, donc les plus importantes surfaces) ; 15% sont des refus ; 25% portent sur un seul mois de loyer... C’est peu, et cela ne répond pas aux besoins qui vont être ceux des commerces physiques dans les mois qui viennent. Les coûts d’exploitation deviennent trop lourds en regard des baisses de chiffre d’affaire, et Philippe Jambon, vice-président et dirigeant de Jeff de Bruges, s’inquiète de voir certains acteurs dans le déni quant à la situation. Il suggère qu’enseignes, bailleurs et gouvernement cherchent des solutions à long terme pour éviter des fermetures en cascade. Il est par ailleurs évident que la survalorisation des loyers de certaines zones (centres commerciaux, zone de tourisme international...) va être amenée à être révisée, alors autant qu’elle le soit en concertation et anticipation. "Il faut trouver des solutions automatiques" a préconisé Emmanuel Le Roch, pour gagner du temps et de l’efficacité dans cette logique de survie. 

Supprimer la Tascom

Si Procos rend hommage à l’efficacité et l’ampleur des mesures prises par les pouvoirs publics dans leur globalité, elle s’inquiète de l’effet à long terme des prêts garantis par l'État (PGE) et aux surendettements induits. La baisse des impôts de production est à ses yeux une bonne décision, mais elle ne va impacter le commerce qu’à hauteur de 13%, et la fédération aimerait voir la mesure accompagnée d’une suppression de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), pour alléger les charges et les adapter à la réalité de l’activité des établissements.

53% des entreprises de proximité n’utiliseront pas le plan de relance ?

Alors qu’elles sont particulièrement fragilisées par les mesures sanitaires, les entreprises de proximité ne se tourneront majoritairement pas vers les dispositifs du plan de relance. En effet, 53% des chefs d’entreprise ne solliciteront pas les aides, jugeant les demandes trop complexes et chronophages, selon une étude menée par l’institut Xerfi auprès de 6.200 patrons, artisans et professions libérales, publiée le 26 octobre 2020. La première réponse du gouvernement est la parution prochaine d’un guide explicatif à l’intention des TPE-PME, comme cela a été fait pour l’industrie.
Mais les organisations patronales concernées souhaitent aller plus loin. "Il faut automatiser autant d’aides que possible, réduire considérablement les démarches et s’assurer qu’une information exhaustive est donnée aux entreprises. Un suivi associant les représentants des entreprises de proximité, est crucial", déclare Laurent Munerot, président de l’U2P (Union des entreprises de proximité).
La CPME, de son côté, réclame que soient supprimées les contreparties exigées, alors que la plupart des entreprises luttent pour leur survie. On n’appuie pas "en même temps sur le frein et l’accélérateur", peut-on lire sur le site de la confédération.