Passer au contenu

TÉMOIGNAGE - "Je n'ai plus de temps ni de force" : dans le Roannais, un généraliste face au désert médical

Par

Le docteur René Caravano exerce depuis plus de trente ans à Montagny, dans le nord de la Loire. Ses collègues partent peu à peu à la retraite, sans remplacement, et laissent le territoire devenir un désert médical. C'est ce que confirme une étude de l'Association des maires ruraux pour France Bleu.

La maison de santé de Régny, dans le Roannais, n'accueille plus aucun médecin généraliste. La maison de santé de Régny, dans le Roannais, n'accueille plus aucun médecin généraliste.
La maison de santé de Régny, dans le Roannais, n'accueille plus aucun médecin généraliste. © Radio France - CA

Dans le Roannais, au nord de la Loire, 15.000 habitants n'ont pas de médecin traitant. Les quelques généralistes encore en place voient le territoire devenir un désert médical, comme le docteur René Caravano à Montagny. L'Association des maires ruraux de France tire la sonnette d'alarme, dans une étude publiée pour France Bleu.

Plus de 2000 patients à suivre quotidiennement

Cela fait plus de trente ans que René Caravano est installé en tant que médecin généraliste à Montagny. Au fil des années, il a vu la situation empirer : "Les collègues partent et ne sont pas remplacés. En l'espace de quatre ans seulement, dans un rayon de dix kilomètres, on a compté six départs à la retraite. Et la relève n'est pas toujours là."

Quand vous avez une maman qui vous téléphone un vendredi, à cinq heures de l'après-midi, pour son nourrisson de huit mois qui a 40° de fièvre, je n'ai jamais eu le courage de dire non.

Conséquence : son propre emploi du temps est devenu intenable. Il avoue être débordé, à raison d'une trentaine de patients le matin et tout autant l'après-midi. Mais pas question de dire non aux malades, pour ce praticien qui a toujours voulu exercer en tant que médecin de famille rural : "quand des personnes âgées qui ont des problèmes de cœur, des traitements lourds, m'appellent, je n'ai pas le courage de leur dire que je ne suis pas leur médecin traitant et que je ne peux pas les recevoir parce que je suis débordé".

Cela a bien sûr des conséquences sur son moral et sa fatigue. "Je dois encore tenir cinq ans pour arriver à la retraite, confie-t-il. Je n'ai aucune certitude sur l'avenir, savoir si je vais y arriver."

Comment assurer la relève ?

René Caravano est tout à fait prêt à faire la place à un successeur. Mais encore faut-il en avoir le temps : "Bien sûr, on me reproche souvent de ne pas me bouger. Pourquoi ? Parce que je n'ai plus le temps, ni la force morale et psychique de le faire. Il faut que des élus nous aident et continuent à faire la promotion de l'activité médicale en campagne. J'avoue humblement que je n'y arrive pas."

Ce médecin généraliste aimerait convaincre les jeunes de l'attractivité de son territoire : "ce qui fait peur, souvent, c'est de se retrouver seul. Mais on a l'hôpital de Roanne, tout près, et un très bon réseau de spécialistes." Il reconnaît aussi que la féminisation de la profession pousse les femmes médecins, à juste titre, à travailler moins d'heures que leurs collègues masculins, avec souvent des familles à charge.

René Caravano rappelle que Montagny dispose de sa propre maison médicale avec des spécialistes. Mais dans la commune de voisine de Régny, cela n'a pas empêché deux généralistes de quitter successivement le bourg fin 2019 et début 2020. Valérie Corneloup, coiffeuse à Régny, s'alarme des conséquences : "moi je suis restée un an sans médecin, mais j'ai fini par trouver. Mais j'ai des clientes âgées, ou sans permis, qui n'ont plus personne ! C'est grave !"

L'autre solution que propose René Caravano est "un choix politique", dit-il: "il faut en finir avec le médecin traitant obligatoire. Pas besoin d'en avoir un pour faire signer un papier autorisant la consultation d'un dermatologue ! Et puis les gens qui n'en ont pas ne sont pas correctement remboursés et ne peuvent pas bénéficier de l'accès au soin. C'est inadmissible."

Des disparités dans la Loire et la Haute-Loire

D'après l'étude que publie l'Association des maires ruraux de France pour France Bleu, il existe de fortes disparités au sein même de la Loire et de la Haute-Loire. Autour des centres urbains, la situation est plutôt dans la moyenne. Ce sont l'ouest et le nord des deux départements qui sont le plus touchés par le manque de généralistes libéraux :

Densité par bassin de vie des médecins généralistes libéraux en 2019.
Densité par bassin de vie des médecins généralistes libéraux en 2019. - Association des maires ruraux de France

Dans le Velay en Haute-Loire, élus et professionnels ont souhaité prendre le problème à bras le corps. Depuis 2015, une mission d'accueil des professionnels de santé est chargée d'attirer les jeunes sur le territoire du Velay grâce à des collaborations avec les élus, l'ARS, la CPAM et le conseil de l'ordre. Maud Gagne, chargée de mission, démarche ainsi "les jeunes internes de l'hôpital du Puy-en-Velay dès leur entrée, et à leur sortie. On leur fait connaître le territoire, et on les accompagne dans leur installation avec des coups de pouce. On a un bon réseau qui fait qu'on peut résoudre beaucoup de problèmes !"

La mission d'accueil propose aussi des offres salariées sur les communes de Pradelles et de Landos. Récemment, elle s'est même essayée à une vidéo promotionnelle du territoire de Pradelles : 

Pour Maud Gagne, "on n'est pas en train de résorber complètement le problème des déserts médicaux, mais on y participe". Le Velay souffre actuellement d'un gros manque de chirurgiens dentistes et d'orthophonistes notamment.

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

undefined