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Hausse des bénéficiaires du RSA et des APL, stagnation de l'AAH : quel impact de la crise sur les prestations sociales ?

Depuis décembre, la Drees propose un suivi mensuel des minima sociaux et de certaines prestations. Ces chiffres sont éclairants, avec des évolutions contrastées depuis le début de la crise sanitaire. La hausse du nombre de bénéficiaires du RSA est confirmée, avec maintenant une stabilisation à un niveau élevé. Même schéma à peu près pour l'ASS. Prime d'activité, garantie jeunes, ASS, APL et AAH sont également scrutées.

Depuis le mois de décembre, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux assure, avec le concours des organismes de protection sociale, un suivi mensuel des "prestations de solidarité", notion un peu plus large que les minima sociaux. Ce tableau de suivi a pour objectif de "rassembler et mettre à disposition les données mensuelles disponibles les plus récentes et à éclairer les effets de la crise sanitaire, y compris à l'échelle des territoires, sur l'évolution de la pauvreté en France". A la différence des annonces qui circulent ici et là sur l'évolution de la pauvreté en France, les chiffres de la Drees ont l'avantage de reposer sur des données objectives, mais présentent la limite de ne concerner que les personnes ayant demandé et obtenu une prestation de solidarité. Par exemple, les difficultés des jeunes et des étudiants transparaissent relativement peu dans les chiffres de la Drees (sauf à travers la garantie jeunes, qui concerne un faible nombre de jeunes). 

RSA : hausse des bénéficiaires de 8,3% sur un an, stabilisation depuis juillet

Dans tous les cas, les chiffres publiés apportent un éclairage très riche, et parfois contrasté, de la situation. Selon les cas et la réactivité des remontées, les chiffres produits par la Drees dans son dernier point mensuel (édition de janvier 2021) se situent en octobre ou novembre 2020. Les plus suivis sont bien sûr ceux du RSA. A fin novembre 2020, ils sont en hausse de 8,3% par rapport à novembre 2019 et atteignent un total de 2,08 millions de foyers. Ce chiffre est à rapprocher d'une moyenne de 1,9 million d'allocataires entre janvier 2017 et février 2020. Il traduit donc une progression incontestable, sans pour autant constituer une explosion à ce jour.

En outre, la Drees précise qu'"en hausse à la suite du premier confinement, du fait de la détérioration de la situation économique, la croissance en glissement annuel des effectifs du RSA se stabilise à un niveau élevé depuis le mois de juillet (autour de 8%)" et que "le deuxième confinement n'entraîne pas de hausse, fin novembre, de la croissance annuelle des effectifs". Bien que la Drees ne le précise pas, il semble que la progression des effectifs soit imputable aux difficultés de sortie du RSA dans le contexte de la crise sanitaire qui a fait disparaître de nombreux contrats courts ou "petits boulots", beaucoup plus qu'à de nouvelles entrées. Le chômage partiel et la prolongation des droits semblent en effet avoir freiné ce mouvement. L'inquiétude porte aujourd'hui surtout sur ce qui se passera lorsque ces dispositifs prendront fin (voir par exemple notre article du 5 février 2021).

Stabilisation de l'ASS, reprise de la prime d'activité, gel de la garantie jeunes

De la même façon, les effectifs de l'ASS (allocation de solidarité spécifique, qui s'adresse aux demandeurs d'emploi en fin de droits à l'assurance chômage) ont nettement progressé à la sortie du premier confinement (+11,2% entre mai et septembre 2020), après une diminution continue depuis 2015. Mais ils baissent légèrement (-1,0%) à la fin du mois d'octobre 2020, avec un total de 376.700 personnes.

La tendance est différente pour les bénéficiaires de la prime d'activité, qui vise des personnes en emploi mais au salaire modeste. A la fin novembre 2020, le nombre de bénéficiaires affiche une légère hausse de 1,2% sur un an, pour atteindre un effectif 4,52 millions de foyers. L'évolution a toutefois été contrastée : +1,4% de février à mai 2020 (premier confinement), -3,7% de juin à août (déconfinement) et +3,3% entre août et novembre. Par ailleurs, la hausse du nombre de bénéficiaires de la prime d'activité est difficile à interpréter, dans la mesure où elle peut refléter un dynamisme de l'activité salariée ou une baisse de revenus des salariés (qui deviennent éligibles).

Pour sa part, la garantie jeunes a connu une forte baisse des entrées initiales durant le premier confinement, en grande partie sous l'effet de la fermeture des missions locales (les deux tiers d'entre elles ont fait l'objet d'une fermeture complète). A la fin de juillet 2020, 80.200 jeunes bénéficiaient d'un accompagnement dans le cadre de la garantie jeunes, contre 88.800 un an auparavant (-9,7%). Les entrées initiales sont ensuite reparties à la hausse (9.200 en juin et 7.700 en juillet), atteignant des niveaux plus élevés que ceux des mêmes mois de l'année précédente (respectivement 8.600 et 6.400). Mais cela n'a pas tout à fait suffi à rattraper le niveau des effectifs de jeunes accompagnés avant la crise (89.800 en février 2020)

Les APL en hausse, l'AAH décélère

Les APL (aides personnelles au logement) pourraient être un marqueur de la crise, d'autant plus qu'elles touchent le plus grand nombre de bénéficiaires parmi les prestations de solidarité (6,51 millions de foyers en novembre 2020). Alors que le taux de croissance en glissement annuel était négatif chaque mois depuis octobre 2018 (entre -1,3% et -0,4%), "signe d'une lente baisse des effectifs", il se stabilise en avril 2020 (+0,1%) – en plein cœur du confinement –, puis progresse de façon continue pour atteindre +2,5% en novembre. La Drees relève que les effectifs de novembre 2020 sont les plus élevés de la période 2017-2020. Mais avant d'en tirer des conclusions sur l'impact de la crise sanitaire et économique, il faut rappeler que – jusqu'à la contemporanéisation des APL entrée en vigueur au début de 2021 – les ressources prises en compte pour l'attribution des aides au logement sont celles de l'avant dernière année. La Drees précise donc que "des mécanismes d'abattements et de neutralisations des ressources permettent d'atténuer une perte de ressources, ce qui a pu rendre certains foyers éligibles et pourrait expliquer l'inflexion observée. Une augmentation significative des abattements et neutralisations a ainsi été observée par la Cnaf".

Enfin, l'AAH est la prestation la moins directement liée à l'emploi et donc, a priori, la moins susceptible d'être impactée par le volet économique de la crise sanitaire. A la fin du mois de novembre 2020, 1,2 million de personnes bénéficiaient de l'AAH, soit une hausse de 1,4% en un an. Là aussi, l'évolution est contrastée. Si la hausse des effectifs de l'AAH est une tendance à l'œuvre depuis plusieurs années, elle était plus forte entre janvier et août 2020 (+3,5%) – malgré les fermetures et perturbations des MDPH durant et après le confinement – qu'entre  les mêmes mois des années précédentes. A l'inverse, depuis août, les effectifs des bénéficiaires de l'AAH stagnent.

 

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