Les métropoles n’ont pas bonne presse ! Leur reconnaissance institutionnelle à peine obtenue, elles sont accusées d’épuiser les corps, les esprits et la nature ; de faire le lit d’un capitalisme globalisé ; de fragmenter la société. La charge est injuste. Surtout, elle néglige les capacités du politique à opérer les nécessaires transitions écologiques et sociétales.
Encore faut-il que les pouvoirs publics disposent de grilles de lecture pertinentes. Il y a 50 ans, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) inventait les métropoles d’équilibre. Et l’Etat oubliait le fait urbain. Après la loi d’affirmation des métropoles en 2014, c’est désormais au tour des autres strates de la hiérarchie territoriale de capter l’attention. Ce jeu avec les diverses corporations d’élus n’aide pas à se défaire de la vision d’une France partagée entre villes et campagnes, catégorisation anachronique empêchant l’appréhension des flux qui agencent l’espace. La métropolisation est une mise en réseau des territoires. Elle organise proximités et distances, sans schémas figés. Au politique de faire de ces relations non des dépendances qui asservissent mais des solidarités qui ouvrent l’éventail des solutions.
Le «chacun sa part» est inefficace
C’est en combinant leurs ressources que les territoires sont forts. Mais les collectivités territoriales, à l’introversion routinière, peinent à passer aux actes. Marcher sur les plates-bandes du collègue d’à côté ne leur semble pas raisonnable. En courant après une impossible clarification de la répartition des compétences, l’Etat conforte d’ailleurs les prés carrés.
L’avenir ne peut être au chacun chez soi. Ainsi, les questions de déplacement, d’habitat, de foncier, d’environnement, se posent à l’échelle des grandes régions urbaines, pas dans le périmètre restreint des institutions métropolitaines. Sans dialogues avec les collectivités voisines, les ambitions de transition vaudront celles du colibri qui tente d’éteindre l’incendie. Le «chacun sa part» est inefficace. L’enjeu est tout aussi fort pour les sujets d’économie, de santé, d’enseignement supérieur, qui invitent à des coopérations aux échelles régionales.
A quand un récit métropolitain en France ?
Mais l’activité coopérative des métropoles paraît trop anecdotique dans ses traductions concrètes. C’est pourtant l’essentiel de leurs marges de manœuvre qui s’y joue. Dès lors, comment dépasser des cadres juridiques et des cultures professionnelles inadaptés pour faire de la coopération une ardente obligation, à même de rendre les métropoles pleinement actrices des transitions ?
L’expertise territoriale peut beaucoup. Elle sait documenter, cartographier ces interdépendances invisibles qui font la matière des coopérations. Animer des dispositifs non institutionnels, des scènes de négociation ad hoc. La matière grise devient ainsi le liant des coopérations. Quant à l’Etat, il mettra en sourdine le mythe républicain de l’égalité des territoires pour porter une nouvelle promesse : la complémentarité entre territoires assumant leurs spécificités, combinant génie des lieux et fraternité des liens.